John Murphy » The 100 AU

Bon, vieux Jasper

- Murphy, tu savais que les êtres humains ont besoin d'un certain taux d'oxygène proportionnel à une certaine distance temporelle pour avoir une espérance de vie digne de ce nom?

   Pas de réaction. Murphy me sert toujours encore si fort contre lui que je crois bien que je vais finir par mourir par suffocation ou un truc du genre.

- Murphy, je suis presque sûre que Bellamy est parti. Tu peux me lâcher, c'est bon.

   Sans avoir manqué de m'écraser une dernière fois pour le plaisir de me contredire, il recule finalement de quelques pas, mets ses mains dans ses poches et me fixe avec un de ces regards à la fois vide de sens et plein de signification.

- Joyeux Noël, Helga.

- Joyeux Noël, Murphy.

   Je croise les bras devant moi pour essayer de me réchauffer un peu, maintenant que je ne suis plus collée à mon chauffage. Nous restons plantés là pendant un moment et si l'on enlève le fait qu'il doit faire au moins cinquante degrés en dessous de zéro, c'est quand même très beau. C'est beau d'avoir quelqu'un pour lequel on brave les éléments, quelqu'un pour qui on brave les règles des Optimus Centum. A peine ais-je fini de penser cette phrase que je dois me retenir d'exploser de rire. Le froid ne réussit définitivement pas à mes connexions cérébrales, ca, c'est...

- Attends, tu vas où, là? je demande lorsqu'il se dirige soudainement dans la nuit noire.

- Joyeux Noël, Helga, répête-t-il sans se retourner.

- Tu ne peux pas partir comme ça... Et les cadeaux? C'est Noël, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.

- Peu importe ce qui pourrait m'attendre là-dedans, j'ai déjà reçu le meilleur cadeau. A demain, Ava.

- C'est une blague? Tu vas me laisser rentrer toute seule? Et Bellamy, t'en fais quoi? (Pas de réponse.) Murphy! Tu es vraiment en train de me jeter comme ça?, j'ajoute à moitié en rigolant.

   Et quand il est définitivement parti dans la nuit, je sais que je ne rigolais pas. Pas du tout. Je soupire en fixant les quelques flocons de neige qui commencent à tomber avant de retourner dans la cafétéria.

   Tout le monde est occupé à se donner des cadeaux et à ouvrir des paquets, si bien que personne ne fait de commentaire lorsque je me rassieds à table. Bellamy semble soudain plongé dans la contemplation de la nappe en papier sortie pour l'occasion et son agacement peut probablement être senti jusqu'en Australie, voir même plus loin. Bien évidemment, je ne peux pas lui en vouloir. Tout ce qui touche à Murphy semble être un terrain extrêmement sensible pour lui et voilà l'ouragan Ava qui passe et qui déterre les haches de guerre. Bravo Ava, j'espère que tu arrives encore à te regarder dans un miroir. Tu pourrais simplement rester loin de toute cette histoire qui ne te regarde pas mais non, madame croit évidemment bien faire. Et du coup, madame pense que ça excuse tout. Plus j'y réfléchis, plus je me rends compte que c'est moi la plus pitoyable dans cette histoire.

   J'arrête de me morfondre sur mon sort lorsque j'aperçois Jasper m'adresser un petit sourire compatissant que j'essaye de lui rendre au mieux. C'est seulement maintenant que je m'aperçois que j'ai les yeux humides, ce qui me donne encore plus envie d'éclater en sanglots.

- Ava, je crois que j'ai oublié ton cadeau dans le hall d'entrée, s'exclame tout d'un coup Jasper. Viens, on va le chercher.

   Avant que personne n'ait le temps de comprendre quoi que ce soit - moi, le moins - il m'attrape par le poignet  et m'entraîne derrière lui. En revanche, contrairement à ce qu'il avait annoncé, nous ne nous arrêtons pas dans le hall d'entrée mais grimpons quelques marches jusqu'au premier palier de l'escalier.

- Wow, dit-il en s'asseyant sur la dernière marche, tu es vraiment facile à kidnapper, toi. Remercions le ciel que ce n'était que le bon, vieux Jasper.

   Malgré les larmes qui se sont entre temps frayées un chemin sur mes joues, je ne peux m'empêcher de sourire à cette remarque.

- Merci de m'avoir kidnappé dans ce cas, bon, vieux Jasper.

- Et tu sais ce qu'il sait faire aussi, le bon vieux Jasper? Il sait faire des très bons câlins aux gentes demoiselles désespé...

   Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je me suis déjà laissé tomber contre lui. Il passe son bras autour de mes épaules et nous restons assis comme ça pendant un moment.

- Alors, dit-il finalement en brisant le silence qui s'était installé, tu veux dire au bon, vieux Jasper ce qui s'est passé?

   Je tire les manches de ma robe sur mes poignets pour essuyer mes yeux et mes joues avant de lui expliquer brièvement la situation. Comment Murphy vient de m'abandonner dans la nuit et comment je ne lui en veux pas parce que c'est Murphy et que c'est une des choses que Murphy fait et comment je lui en veux parce que... Je ne sais pas pourquoi. Comment j'essaye de jongler entre Murphy et les Optimus pour que tout le monde soit content, mais qu'au final, je fais plus de mal que de bien. Comment les choses ont changés depuis le retour d'Emori et comment la situation en elle-même me glisse des mains depuis plusieurs semaines maintenant et que j'essaye de la fixer à l'aide de petites fleurs et de bonne humeur.

   De temps en temps, Jasper pose des questions plus précises concernant Murphy et Bellamy, me demandant si je sais pourquoi ils sont aussi tendus en ce moment. Ne sachant pas ce que Jasper sait et ce qu'il ne sait pas, je préfère rester évasive et de donner des demi-réponses, mais Jasper s'en contente. Le bon, vieux Jasper.

   Je ne m'étais pas rendue compte de ce bloc de tristesse que je trimbale au fond de moi et à quel point il m'effraye. Lorsque j'en fais part à Jasper, il soupire en souriant.

- Oh Ava, peut-être que tu es humaine, après tout. C'est ce que l'on appelle des émotions négatives. Tous les sentiments qui se baladent dans ce bas-monde ne sont pas que composés d'arc-en-ciels, de petites fées et de fleurs. Mais ne t'inquiète pas, c'est comme tout dans la vie: ça vient, et ça repart.

- Si on m'avait dit avant que le bon, vieux Jasper avait une âme de philosophe..., je dis en essuyant mes dernières larmes.

- Oh, mais c'est qu'à force de récupérer des gentes demoiselles en morceaux, j'ai l'habitude.

   Il se lève et me tend la main pour m'aider à me remettre sur pieds.

- Moi qui pensais être une privilégiée..., dis-je en essayant de lisser au mieux ma robe. Qui était l'heureuse élue?

   Bien évidemment, je ne m'attends pas à une réponse de sa part. C'est pour cela que je suis un peu surprise quand il prend ma question au sérieux.

- C'était Emori, répond-il un peu gêné. Et Ava, je pense que tu devrais aller la voir pour parler de tout ça. Je pense qu'elle peut t'aider.