Chapitre 14 : Dakota

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                 Dakota n'aimait pas les gens, mais le groupe d'amis qui se formait autours d'elle remettait en question ses certitudes. Au départ elle était franchement contre et en avait voulu à Tim. Pourquoi voulait-il absolument qu'ils soient amis avec son frère, un athlète décérébré, Olive Olsen, une sorte de pétasse d'après ce que Dakota en savait, et Ava Singh, l'aveugle de seconde ? Ils étaient très bien tout les trois, Will, Tim et elle.

Malgré son accueil pour le moins glacial, ils s'étaient montrés très sympa, même avec elle. Et Dakota avait bien été obligée de revoir son jugement. Elle n'aimait pas trainer avec des filles d'habitude, mais elle était forcée de constater qu'elle allait bien s'entendre avec Ava, qui semblait maitriser le sarcasme aussi bien qu'elle. Et Liv était beaucoup plus intéressante qu'elle ne le pensait de prime abord, bien qu'elle parlait un peu trop souvent de son fameux blog (Dakota n'avait pas osé lui dire qu'elle trouvait son nom, Liv's world, banal à en pleurer, elle avait l'air si fière).

Même Théodore était moins bête qu'elle ne le croyait, mais elle avait un peu de mal avec lui, et c'était réciproque. Il semblait se souvenir de son attitude à la soirée et en garder rancœur, à moins qu'il ne l'aime tout simplement pas. Dakota quant à elle détestait son attitude suffisante, ses remarques plutôt lourdes, et sa façon tout à fait subtile de draguer Liv.

Grâce à eux, elle avait réalisé que l'espèce humaine n'était pas si horrible. Avant, il n'y avait que Will, puis récemment Tim. Maintenant elle était un peu plus entourée, moins seule. Elle pensait toujours que l'être humain naissait foncièrement mauvais, elle avait assez subi la méchanceté de ses camarades dès son plus jeune âge pour en être persuadée. Elle savait que le monde n'était pas si manichéen, mais si on considérait le blanc comme le bien et le noir comme le mal, la majorité des gens était gris très foncé. Elle se considérait elle-même comme sombre, au contraire de Will et de Tim qui étaient de toute évidence presque blanc. Elle ne connaissait pas assez les autres pour les juger.

Elle avait parlé de ça avec Will un jour, il avait eu l'air surpris qu'elle ait pu penser ça. Il la considérait comme un génie, mais uniquement pour des trucs scientifiques, genre la physique quantique, ou la trigonométrie. Elle en avait d'ailleurs été un peu vexé, après tout n'importe quel idiot pouvait analyser le monde comme il le souhaitait, et faire des théories débiles en comparant les gens à des phénomènes météorologiques comme John Green. Dakota n'aimait pas spécialement ça, mais par pur esprit de contradiction, elle en avait élaboré plusieurs comme ça, juste pour prouver à Will qu'elle pouvait le faire. Et au fil du temps, elle y avait pris goût. Quand elle se sentait vraiment mal, du genre à se foutre en l'air, ça la calmait de poser le monde à plat, et de le comparer à la première chose qui lui tombait sous les yeux. C'était ridicule et stupide, mais ça lui permettait de tenir, et dans les meilleurs cas, de rire un peu. Et puis personne ne lui demandait d'en faire de pseudo-sérieuses, elle n'écrivait pas de roman d'ado après tout. C'était elle l'adolescente, et elle n'était pas en mesure d'aider qui que ce soit. Elle avait déjà du mal à s'aider toute seule...

Rencontrer ces personnes, qu'elle ne considérait pas encore comme ses amis, lui avait fait comprendre plusieurs choses. Notamment que la vie ne craignait pas tant que ça. Dakota avait passé son enfance et une bonne partie de son adolescence seule, contre tous les autres élèves, et elle s'était forgée une armure pour que personne ne puisse plus jamais l'atteindre. Mais eux étaient heureux, plus qu'elle en tout cas. Et bien qu'elle n'aurait jamais cru ça possible, leur bonheur semblait communicatif.

En tout cas, ils donnaient envie à Dakota de donner une chance à la vie. Peut-être qu'entourée, ça craignait moins que seule ?

Dakota se souvenait très bien de la soirée de Théo. Elle avait beau avoir bu, elle était parfaitement consciente de ce qu'elle faisait. Elle avait été sur le point de sauter. Finalement, elle ne regrettait pas de s'être ravisée. Elle avait décidé de se laisser un sursis. Elle tiendrait jusqu'à ses dix-sept ans, jusqu'au dix-huit février. Et à ce moment là, elle déciderait. Rester ou quitter ce monde une bonne fois pour toute. La vie ou la mort. Un nouveau départ, une renaissance. Ou la fin.

La théorie du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant