Chapitre 64 : Raphaëlle

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J'avais perdu l'habitude de ne pas voir le jour se lever. C'est comme si le Valkyrie se trouvait encore dans l'espace. Il est à peu près cinq heures et le ciel demeure indéniablement sombre. Pas la moindre trace d'aurore. Il n'y a que l'incandescente lumière de Freyja pour ne pas nous plonger dans les ténèbres complets. Les draps qui m'enveloppent glissent sur ma peau. J'avais oublié qu'il n'y avait rien entre eux et mon corps à vif. Il a un long soupir, puis je le sens parcourir le creux de ma taille. Je fais mine de me lever en emportant la majorité des draps.

- Où est-ce que tu vas ?

Je n'avais encore jamais entendu sa voix rauque et endormie. Elle me procure instantanément une envolée de frisson.

- Je dois rentrer avant que ma mère ne se rende compte que je ne suis pas dans mon lit.

Dans une autre vie, j'aurais pu dire cela sérieusement. J'aurais pu être une adolescente prise en flagrant délit de goûter à sa liberté. Adrian saisit in extremis un bout de drap et tire dessus pour m'empêcher d'aller plus loin.

- Je suis sûre qu'elle s'en remettra, fait-il en passant une main dans mes cheveux.

Son geste s'aventure le long de mes épaules, s'attarde entre mes omoplates puis s'éternise alors qu'il explore la chute de mon dos. Malgré ses gestes tendrement provocateurs, son regard est rempli d'appréhension. Il n'essaie pas de me le cacher, bien que nous en ayons longuement parlé.

J'enroule mes mains sur sa nuque.

- Il me reste..

- Huit heures.

- Je serai de retour avant que tu remarques mon absence.

Son regard se détourne du mien. Sentant les arguments de la veille peser dans son silence je m'allonge à nouveau.

Il est totalement contre l'idée que je parte pour cette mission. Une mission que n'importe quel soldat entraîné pourrait remplir à ma place. Mais voilà, c'est aussi mon quotidien. Et partager son lit ne me permettra pas d'y échapper. Quoi qu'il en pense.

Je dessine des lignes imaginaires sur son torse, déjà sculpté. Je n'ai aucun regret, mais j'imagine très facilement ce que c'est que de compter les minutes sans pouvoir en profiter. Un arrière goût amer de déjà-vu me hante malgré tout. La dernière fois que j'ai quitté un lit inconnu n'était pas si différente de ce matin, en y pensant, même si je n'en avais aucune idée. Mon temps était compté à partir de l'instant où j'avais franchi la porte de l'appartement d'Alek.

C'est pourquoi je tiens absolument à être celle qui ira poser cette bombe. Je veux être celle qui met définitivement un point final à cette histoire. Ils sont de toutes façons condamnés. Je ne fais qu'accélérer les choses. Ce qui me dérange un peu, c'est qu'Abigail n'émette aucune opposition à l'action que nous allons mener contre Adam Klev. Adam Klev, que nous savons avec le reste des résistants, le reste de sa résistance. Je suppose que la rupture a été définitivement marquée lorsqu'Alek l'a trahi en sauvant son père. Je me demande comment les extrémistes ont réagi en les voyant débarquer. L'accueil a dû être, mouvementé.

Ayant abandonné l'idée de retrouver le sommeil, je me serre contre Adrian. Son corps diffuse sa chaleur dans chaque cellule qui me compose.

- Qu'est-ce qu'on fera quand ce sera fini ? Je demande anodine.

Il passe son bras autour de moi. Ma tête contre son torse, j'entends son coeur battre à un rythme calme, précis, réconfortant.

- Ce qu'on veut. Quand tout sera fini, on pourra faire n'importe quoi.

- N'importe quoi ?

- Ce que tu veux.

Je reste silencieuse un moment. Je n'avais jamais réfléchis à la question, mais elle se pose réellement.

The Breach II : Civil War (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant