Chapitre 52 : Raphaëlle

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- Comment s'est passé le test?

J'ouvre les yeux. Il est à côté de moi. Pégasi descend lentement dans le ciel, les rayons de fin de journée font ressortir les reflets or de ses yeux. On dirait qu'ils sont sur le point de s'embraser. Pas comme un brasier incandescent, mais des flammes apaisantes que je regarderai des heures durant sans jamais me lasser.

Je n'ai pas vraiment envie d'en parler maintenant. J'élude sa question d'un haussement d'épaules.

- Je suis désolé que tu aies eu à subir ça, dit-il en prenant ma main que je crispais sur ma nuque. Je te promets que c'était la dernière fois.

Je sais qu'il était contre ce test, j'ai entendu comment la situation tournait avec Rodrilan. Mais j'imagine que c'était inévitable. Et puis il n'y a pas de raison pour que je ne suive pas le même entraînement que les autres. A moins qu'il ne m'en pensait pas capable, c'est peu probable mais ça reste une option.

- Je l'ai passé c'est ce qui compte.

Je retire ma main et ses sourcils se froncent.

- Raphaëlle...

- J'aimerais juste profiter d'être un peu à l'extérieur.

Profiter est un grand mot. Si j'oublie le fait que je n'ai aucune idée de quoi demain sera fait, ou que je puisse relâcher un peu le poids sur mes épaules, je n'arrive toujours pas à profiter pleinement de l'instant présent. Et ce pour une raison très simple : Adrian est à côté de moi, nous sommes seuls, là où personne ne pourrait nous trouver, et il provoque ce dangereux papillonnement dans mon abdomen. Bien que je compte garder ça pour moi, il serait préférable que je mette sérieusement mes idées au clair. Le moment ne pourrait pas être plus mal choisi pour..pour quoi?

- Regarde-moi.

Sans explication, je me sens soudainement énervée. Une colère sourde se propage dans mon corps entier sans que je ne comprenne pourquoi.

- On devrait rentrer.

Je ne suis plus d'humeur à admirer Noham ou quoi que ce soit. Je pars en premier, et l'attends à peine avant de redémarrer. C'était inconscient, égoïste et profondément idiot de ma part de venir ici. Il faut vraiment que j'arrête de vivre dans le passé. Plus encore, je dois arrêter de toujours me le promettre. Peut être que ce brusque changement d'humeur n'est que le résultat de toutes ces fois où je dépasse les limites. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, et il serait temps que je pense à faire ce qu'il est juste de faire pour une fois.

Nous rentrons au Valkyrie, mais aucun de nous ne parle pendant que nous retournons au bunker. Nos chemins se séparent en silence. Je ne lui adresse pas un regard, et fait semblant de ne pas remarquer ceux qu'il me jette.

De retour au dortoir, je m'enferme dans une salle de bain pour éviter les questions. Devant le miroir, j'ai une seconde d'hésitation. La fille aux cheveux blonds, cette fille-là, celle qui me regarde, que je regarde et ne reconnais pas. Celle que je ne veux pas voir, et pourtant qui est là. Presque aussi réelle que son reflet. Moi. Le reflet d'une inconnue. Celle que je vois est une étrangère, une inconnue. C'est Eva, pour un temps.

La douche est longue et froide. J'ai l'esprit vidé et le corps abîmé. Je pense à l'enfant que j'étais. Je me vois en souvenir, je me rappelle de celle que je rêvais d'être. Quelques sourires m'échappent. Quand est-ce que j'ai cessé d'être cette petite fille? Quand est-ce que je suis devenue assez grande pour me rendre compte que ces moments appartenaient au passé?

Quand est-ce que j'ai changé? Pourquoi? À cause de quoi, de qui?

Je pensais que Noham, la guerre, les élections, Alek n'étaient que des événements passagers. Que je les traverserais, qu'ils passeraient sans m'atteindre. Mais c'était faux. Ces derniers temps m'ont affectée plus que je ne croyais. En voulant absolument rester à ma place, fidèle à celle que j'avais toujours été, j'ai fini par me perdre. Parce que tout s'effondrait autour de moi, je pensais que le meilleur moyen de m'en sortir était de ne rien changer. De rester figer à ma place, à mon poste. Je pensais que c'était la bonne décision. Or maintenant, je ne suis plus sûre de rien. Je ne me suis même jamais demandé si je voulais me battre.

The Breach II : Civil War (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant