Chapitre 47 : Viktoria

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Cette situation a un sale goût de déjà-vu. Mais cette fois-ci, j'ai appris de mes erreurs. Monter les tentes bloque le sable qui s'accumule sur la tente et forme une dune. Il faut présenter le moins de prise possible au sable. La bâche nous protège sans nous condamner. Je suis avec Amy, j'espère que Kayne a eu le temps de se protéger avec Juliette. Amy a l'air tendu au maximum.

- Alors, c'est à ça que ça ressemblait, la première fois ?

- Imagine que le sable s'infiltre partout jusqu'à totalement remplir la tente dans laquelle tu te trouves, et oui, c'était ça.

Elle fait une moue affligée.

- Mais ça va. Aujourd'hui, ça ne se passera pas comme ça.

- J'imagine Kim là-dedans. Et Nathan.

- Ce n'était pas la mort qu'ils méritaient.

Elle vient se blottir contre moi, et je caresse ses cheveux doux. La tempête passera bientôt, mais c'est tout de même extrêmement angoissant d'être à ce point fragile face aux éléments. Au bout d'un moment, le vent se calme. Nous attendons une bonne demi-heure supplémentaire pour être sûrs qu'il n'y ait plus aucun risque, et nous sortons. Nous sommes tous sains et saufs, mais à voir la tête de Kayne, la cohabitation avec Juliette n'a pas été des plus simples. Je vais déposer un baiser dans son cou, et il retrouve un semblant de sourire.

Nous reprenons la marche. Désespérément, nous avons besoin d'eau. J'ai donné les dernières gouttes de ma gourde à Alek et je n'ai rien bu depuis plusieurs heures. L'effort est colossal. "Ce que j'ai fait, aucune bête ne l'aurait fait". Cette phrase tourne en boucle dans ma tête, me donnant la force d'avancer. Mon corps passe en mode automatique. Mes jambes suivent un point sur un GPS mais mentalement, je suis totalement ailleurs. Je marche sans penser à rien, sans aucune notion du temps. Je ne fais qu'avancer. Il faut avancer.

Au bout d'un certain temps, le ciel s'obscurcit et des nuages sombres recouvrent le désert.

- Il va pleuvoir, annonce Emma. Il faut ressortir une bâche.

En effet, quelques secondes plus tard, c'est l'averse. Les premières gouttes font frémir ma peau desséchée puis rapidement, mes lèvres se réhydratent. Je reviens à la réalité et forme un petit bol avec mes mains pour boire. La sensation est délicieuse, même si le goût n'est pas terrible. Nous récupérons toute l'eau possible, puis l'averse s'en va comme elle était venue, en un éclair. C'est presque un miracle. Nous reprenons la route, rassurés.

Quelques heures plus tard, dernière une dune, je la vois. Nous y sommes. Enfin. Après des jours de marche et de difficultés, nous y voilà. Je suis face à la partie émergée de cette caverne et je tente de toutes mes forces de ne pas penser aux cadavres de mes amis, enterrés par le sable tout près d'ici. C'est presque mission impossible. Kayne pose une main sur mon épaule. Un sentiment de culpabilité m'envahit de nouveau et menace de me submerger. Je le repousse de mon mieux, m'adosse à la paroi, et vient pour la troisième fois de ma vie buter le petit remontoir de pierre avec mon talon. Le bloc de pierre bascule, et nous entrons tous les six.

A nouveau, je suis enveloppée par le silence, assourdissant. J'avance vers la porte d'entrée, tentant d'avoir l'air sûre de moi. Ce n'est pas le cas, j'ai l'impression de revoir la Viktoria d'il y a plusieurs mois, assise dans un coin de ce tunnel, les genoux ankylosés par le poids de la tête d'Ethan sur les genoux, pleurant la perte de sa meilleure amie et de la moitié de son groupe, ne comprenant même pas comment elle avait fait pour survivre, et ne sachant définitivement pas si elle devait se réjouir ou s'en vouloir d'être en vie.

The Breach II : Civil War (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant