1. Étrange étrangère

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Tome 2, I.



Je courrais, encore et encore, la plage n'en finissant jamais de s'agrandir. Personne à l'horizon. Il n'y avait que moi, seule au milieu de ce banc de sable froid, mes pieds marquant la neige d'empreintes profondes et négligées. La panique qui s'était emparée de moi rechargea mon corps d'une force soudaine, me donnant assez d'énergie pour m'enfuir.

Où avais-je l'intention d'aller ? Où se réfugier ? Je n'étais plus à Liota, plus chez moi, je n'étais nulle part. Je ne faisais que de m'épuiser davantage, errant incessamment sur l'immensité de cette maudite plage, gardant ce minuscule espoir de retourner d'où je venais. Mais rapidement, perdue au milieu de ce vide enneigé, le bruit sourd des vagues m'accompagnant dans ma solitude, mes muscles faiblirent, le féroce vent hivernal me glaçant jusqu'au os avant de définitivement me consumer. Bientôt, le feu de mon corps ne brûlait plus, la flamme de mon cœur sur le point elle aussi de s'éteindre.


* * *


Plongée dans le noir durant ce qui me semblait être une éternité, je me sentais de nouveau capable de bouger les doigts, le faible crépitement des braises consumant le bois atteignant progressivement mes oreilles.

J'ouvris lentement les yeux, un long et profond soupir s'échappant au même instant de ma bouche. Fixant d'un air encore absent cette grosse poutre au-dessus de moi, ce fut seulement après quelques instants que je réalisai que je n'étais plus sur la plage. Je voulus alors me redresser, mais quelque chose me bloqua aussitôt. De grosses bandes blanches entouraient mon buste et mes jambes. Je fronçai des sourcils et immédiatement la panique refit surface. Affolée, je jetai des regards tout autour de moi, mais ce que je vis ne fit qu'aggraver mon inquiétude. J'étais entourée d'une quinzaine d'autres personnes, toutes allongées et attachées comme moi, le visage de certaines me paraissant brutalement familier. La moitié d'entre elles demeuraient cependant nues, leurs vêtements jetés dans un coin de la pièce. L'endroit, assez sombre, était entièrement construit en bois. Cela ressemblait plus à une cabane qu'une maison. Il y avait au centre un gros feu de bois entouré de pierres noires, la fumée remontant directement dans le conduit improvisé du toit.

— Les derniers corps sont dans cette pièce.

Je me raidis sur-le-champ, cette soudaine voix de femme augmentant d'un trait mon angoisse. Je me figeai complètement et tentai de ne pas me faire remarquer.

Au moment où je vis quelqu'un pénétrer dans la pièce, je fermai les yeux.

— Eh bien, ça en fait des cadavres...

Mon cœur battait à toute vitesse, je sentais sa présence se rapprocher lentement de moi.

— Étrange couleur de cheveux.

— Mère les surnomme déjà « les damnés ».

Une nouvelle voix s'éleva.

— Le suicide des damnés... Cela fait très poétique, tu ne trouves pas ?

— Sombre poésie.

— Regarde celle-ci, sa chevelure à de jolis reflets.

Je sentis une main se poser sur moi, et immédiatement, j'ouvris les yeux.

Je vis les deux femmes brusquement reculer, l'une manquant de peu de mettre un pied dans le feu.

— Mère !

Au son de ce cri paniqué, je me redressai vivement. Je pris une grosse inspiration et déchirai d'un trait l'épais tissu qui entourait mes épaules.

— C-Comment...

L'Héritier (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant