2. Carlsson

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« Quels seront les esclaves modernes de l'humanité ? »

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Le fourgon banalisé tourna à l'angle de la place, évitant soigneusement l'attroupement et les voitures de police qui l'encadraient. Sous les feux des gyrophares – et les yeux voraces d'une armée de caméras – le ton montait entre les manifestants et les gardiens de la paix.

En toile de fond de l'intercom, Carlsson écoutait une musique électro. Reprise plutôt fade des années 2010, qui égayait un peu la discussion animée entre les différentes cellules du Bureau.

« Ils ont l'air de découvrir ça, dit l'homme en face de lui en désignant les cinq cent personnes armées de pancartes qui se massaient devant le bâtiment, puis la police qui se contentait d'observer et de rendre compte par radio. Dès que Bayer fait le moindre mouvement, les activistes se font un barbecue sous leurs fenêtres.

Carlsson ne commenta pas. À vrai dire, il avait entendu, mais ne souhaitait pas entamer de conversation, faisant comme si sa musique était trop forte.

— Ils ont sorti un nouveau riz, dit quelqu'un d'autre. C'est pour ça que ça râle encore. Soit disant qu'ils le savaient, que le précédent était vulnérable à leur parasite.

— C'était une catastrophe, c'est ça ?

— Les prix du riz ont doublé l'an dernier. Ils ont lancé une enquête pour savoir s'il y avait collusion. Quelques connaissances du patron de Bayer avaient acheté dix pour cent des stocks mondiaux peu avant que la récolte se révèle catastrophique.

— Peu importe, ce sont toujours les mêmes qui trinquent.

— Ouais, c'est-à-dire, pas vous, les gars.

Ils se tournèrent vers Carlsson, sorti brusquement de son mutisme.

— Dix minutes avant opération, dit celui-ci entre ses dents. On se concentre sur la mission, et ce sera rapidement terminé. Nous ne sommes pas très nombreux, nous n'avons pas des tonnes de moyens. Je ne veux pas une seule erreur.

— Reçu », grommela l'un en vérifiant sa caméra de service.

***

Le directeur de la faculté de sciences cognitives faisait un large sourire, lorsqu'il laissa son pupitre. L'invité traversa l'estrade de l'amphithéâtre d'un pas souple, légèrement mécanique.

« Bonjour à tous, merci de votre accueil.

Le directeur alla se couler dans un siège, dans la première rangée.

— J'ai un message urgent, lui souffla son secrétaire.

Leur conférencier avait commencé son discours. Si le reste de la salle le jaugeait avec une grande attention, au premier rang, les personnalités du monde universitaire se montraient des plus dissipées.

— Ça peut attendre, dit le directeur.

— Non, c'est urgent. Tenez, écoutez.

Il lui fit passer un quadrant, que le directeur accrocha sur son oreille. Depuis le corps du quad dans sa main, le secrétaire lança l'enregistrement.

— Je... commença le directeur.

De surprise, il tressauta.

— C'est étrange, murmura-t-il. Vous avez, les... euh... accréditations ? Des confirmations ? Est-ce que tout est en règle ?

L'ère des esclavesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant