Chapitre XVII - ... offerte par l'ennemi.

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Elle me prit la main, m'expliqua où était sa chambre, la mienne et celle de notre mère. Cette dernière était assise sur son lit, feuilletant les pages d'une revue de jardinage. Des boucles noires, pareilles aux miennes, excepté pour la longueur, encadraient son visage et venaient caresser les pages.

- Maman ! l'appelais-je.

La femme se retourna vers nous et elle me contempla d'un air bouleversé.

Ma mère et moi on se ressemblait beaucoup. Je savais que j'avais gagné la majorité de mes traits chez les Gironnant, mon oncle et moi ayant même le même menton en pointe. Et j'avais vu suffisamment de portraits de ma mère à la maison pour savoir qu'on se ressemblait sans qu'on n'ait besoin de me le préciser. Mais, en contemplant la femme qui m'avait mis au monde, la ressemblance me semblait frappante. Elle avait le même grain de beauté, sur la pommette droite, que ma sœur et moi, des yeux noisette identiques aux miens, le même menton, les mêmes pommettes saillantes. Elle s'approcha d'un pas léger et me serra contre elle. C'est la première fois que j'avais le souvenir d'une étreinte avec elle.

Un mélange contradictoire d'émotions s'empara de moi, qu'aujourd'hui encore j'ai du mal à décrire. Ce fut un moment court mais intense. Je sentais le parfum capiteux de cette femme, ses larmes de joie dans mon cou, ses cheveux qui caressaient ma joue, son cœur qui résonnait en moi à chaque battement et ses lèvres sur mes tempes.

Puis elle se recula et m'inspecta.

Au fond de ses yeux pleins de larmes, je distinguais une fierté qui me réchauffa le cœur. Je venais de retrouver ma mère. Cette femme qui aurait toujours dû être-là mais qu'on m'avait arraché. J'avais envie de pleurer et m'enfouir dans ses bras. Mais j'étais tellement en colère contre le destin pour cela. Jamais elle ne verrait mes premiers pas, ne viendrait me consoler de mes mauvais rêves, parce que cela avait déjà été fait. Elle n'avait pas non plus été là pour soigner mes égratignures, après une chute de cheval, ou pour me défendre, quand mon érudit se plaignait de moi.

Elle prit mon visage entre ses mains. Son sourire était éblouissant.

- Comme tu es beau mon bébé ! Et tellement grand !

Je m'esclaffais, je faisais presque sa taille, bien que je n'ais jamais été grand. Elle-même était plutôt petite, comme tous les Gironnant que je connaissais.

- Si vous saviez comme j'aurais aimé être là pour vous voir grandir ! déclara-t-elle.

Elle tendit sa main droite à Camille.

- Comme vous m'avez manqué mes amours ! soupira-t-elle.

- Maintenant on est réunis ! assurais-je. Plus rien ne nous séparera.

Son sourire tomba.

- Pourtant si. Vous êtes déjà grand ! Vous arrivez à un âge où l'on n'aime pas trop avoir une mère collante dans les pattes.

- Nous on aimera ça ! affirma ma sœur.

Ma mère nous sourit mais elle n'était pas dupe. Elle nous fit asseoir sur son lit où l'on discuta, parlant de nous. Elle voulait en savoir plus sur moi, sur mes amis, mais surtout sur l'école. Pourquoi les parents font-ils une fixette sur l'école ? En même temps je dis cela et je m'étais promis de ne pas le faire en grandissant. Pourtant que ce soit avec mes neveux, nièces ou mes enfants, c'est toujours ce que je veux savoir en premier. Camille lui racontait mes excès de magie. Certains moments étaient vraiment hilarants et on s'amusa beaucoup.

- Ta mère nous a dit que notre père aussi avait ce problème ! déclara ma sœur.

C'était un moyen pour parler de famille je suppose. Le visage de notre mère se ferma.

La pierre des mersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant