Chapitre VII - Celui où mes excès ...

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Le fait que j'aie refusé d'aider Camille et qu'elle m'ait mis à la porte avait créé de grosses tensions entre nous, comme vous pouviez vous l'imaginer. On ne se parlait plus, évitait de se regarder et on faisait comme si l'autre n'existait pas. Nos amis ne remarquèrent rien, au début. On passa notre dimanche avec les Cadowell comme d'habitude. Il fut facile de tromper tout le monde, on était à la messe le matin, où on se contentait d'écouter en silence. L'après-midi, ma sœur prétexta devoir s'entraîner à la musette pour se mettre à part et lire quand de mon côté je les accompagnais chez la grand-mère Rosalie. Le lundi, tout fut aussi simple. Camille prétexta un rendez-vous avec Baptiste pour partir avant moi en classe. Et une fois tous les quatre, on ne remarquait pas vraiment que deux d'entre nous ne se parlait jamais.

Ce matin-là on échappa à la grammaire pour préparer le vingt-sept mais qui approchait à grand pas. C'était le jour de la célébration de l'arrivée au pouvoir des Povel, notre famille royale actuelle. Un jour de fêtes pour la cité entière. En tant que relève du pays, nous devions faire un défilé avec l'école. Puis nous occuper de la réception des représentants de chaque cité, à la place des serviteurs habituels, ce qui était soi-disant un grand honneur, même si je ne voyais pas en quoi jouer les domestiques était un honneur. Je sentais de plus que ce serait tout sauf une bonne journée. Déjà on devait défiler dans ces immondes uniformes, qui ne servent justement plus que pour ce genre d'événement. Vêtu ainsi, on devait faire deux, trois petites démonstrations de magie pendant qu'on paradait dans la cite. Ensuite venait le banquet où on devait servir tous nos prestigieux invités. Soit en amenant les plats, soit en les reproduisant, soit en les répartissant dans des écuelles. Nicolas devrait reproduire les plats, ma sœur les répartir et moi les emmener, ce qui m'arrangeait bien, il n'y aurait pas besoin de faire de la magie. Kaïa, en tant que princesse de Haldar, devait assister à la réception, son père représentant la famille royale. Selon elle, c'était surtout que sa tante n'avait pas envie de se déplacer alors qu'elle avait un membre de sa famille sur place.

Tous furent très excités. Contrairement à moi. La perspective que ma magie m'échappe en public m'inquiétait énormément. Certes, il n'y avait pas eu d'incident notable les autres années (en tout cas, très peu de gens les avaient remarqués), mais j'avais de plus en plus de mal à me contrôler.

Après qu'on eut nos rôles répartis, on reprit nos exercices de magie qui consistaient à agrandir des objets, puis un camarade. Je laissais Kaïa faire, de peur de me faire encore brimer par mes camarades qui depuis l'incident chez la générale ne me portaient guère dans leurs cœurs, puisqu'ils devaient vraiment travailler avec leurs érudits. Ils ne perdaient donc pas une occasion pour partir en récrimination contre moi. Je fus presque soulagé de rejoindre Christian, qui avait beaucoup de travail à cause de toutes les personnalités qui viendraient pour les célébrations. Il se plaignit de Bracelia, qui venait juste de les prévenir que ce n'était plus le roi Thibault qui viendrait, mais le prince Yves, leur premier ministre. On dut donc refaire tous les calculs du nombre de gardes que nécessitait chaque invité, car un roi, un prince, un nobliau, un conseiller ou un simple représentant n'avait pas le droit au même nombre de gardes pour le protéger. Et si c'était quelqu'un de Barcelia, on devait doubler le nombre habituel qu'on mettait pour sa catégorie sociale, or Yves, était à la fois un membre de la famille royale et le chef du gouvernement, un véritable casse-tête donc. Puis l'on devait s'assurer que nos monarques à nous et leur héritière en avaient plus que les autres invités.

Malgré tout, je finis avant mes amis ce jour-là. Je les attendais sur les marches du palais. Les filles sortirent rapidement après moi.

- On va faire des courses! J'ai besoin de nouveaux vêtements. On vous rejoindra à la maison, m'expliqua ma sœur, m'adressant pour la première fois la parole depuis qu'elle m'avait mis à la porte.

La pierre des mersWhere stories live. Discover now