Chapitre XVII - Celui où j'ai une réunion de famille ...

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Romuald nous fit un second sourire et déclara d'un ton enjoué qui m'irrita au plus haut point :

- Et si Romuald et vous tous aller ?

On se dévisagea surpris par sa bonne humeur et son mauvais, très mauvais latin. Kaïa le détailla avec curiosité, ce qui m'irrita plus encore. Nous commençâmes à le suivre hors de la pièce, car je suppose que c'est ce qu'il voulait dire. Dans les couloirs, il avançait d'une démarche bondissante et saluait gaiement tous les sans-visages.

- Tu n'es pas triste d'être retenu ici ? interrogea Kaïa pleine de sollicitude envers le géant.

- Romuald pas être retenir ici ! Romuald élever ici par Voroi. Parents à Romuald mourir pour Voroi, eux grands sans-visages ! Ici maison à Romuald.

Sa fierté en disant que ses parents étaient des grands sans-visages me le rendit tout de suite antipathique. Sa manière de parler n'arrangeait rien. Et pire que tout, il y avait sa bonne humeur qu'on sentait derrière chacun de ses mots. Dès qu'il ouvrait la bouche, je m'imaginais avec une épée, longue comme une corne de licorne, la plantant encore et encore dans sa poitrine, ou dans sa gorge.

- Tu peux sortir d'ici ? interrogea Nicolas.

- Romuald pouvoir aller chez démons. Romuald avoir le droit de se promener sur montagne, mais devoir éviter. Être dangereux aller trop loin.

- Tu veux dire que tu ne peux quitter la tour que pour aller chez les démons ? s'offusqua notre belle amie.

- Exactement.

- Tu n'as jamais vu les cités ! s'emporta la vampire.

- Non. Mais Le Consort dire cités belles. Cités manquer beaucoup à Le Consort.

Avant que je puisse en demander plus sur ce fameux consort, ou le corriger, au moins son « à Le » qui me faisait saigner les oreilles, Kaïa conclut :

- Donc tu es prisonnier au fond !

- Non ! Romuald être à la maison.

- Mais ta maison est une prison ! Quand je suis chez moi, mes parents me laissent sortir où je veux, avec qui je veux, tant que je rentre à certains moments. Et c'est pareil pour tout le monde dans les cités et même dans le monde extérieur.

Il se tourna vers elle, surprit, et lui demanda plus de détails sur ses sorties, qu'elle expliqua avec ravissement. On aurait dit un enfant à qui il fallait expliquer le monde. Et elle, elle semblait aux anges qu'il l'écoute attentivement. Il affirma avoir envie de voir les cités. La fille dont j'étais amoureux posa sa main sur le bras de notre guide en le fixant avec tristesse. Il se recula gêné, mais elle se montra compréhensive.

Je donnai un coup de pied dans le sol. Ce qui eut pour seul effet de me faire mal.

- Tu ne devais pas nous amener quelque part ? intervint mon meilleur ami.

Je lui souris avec reconnaissance. Il nous indiqua d'abord les chambres de Kaïa et Nicolas. Puis il nous amena à une autre suite.

- Tu nous amènes où exactement ? demanda mon meilleur ami.

- Chez une gentille dame.

Je pensai à ma mère. Il nous amenait à elle. Mon cœur battait à toute vitesse. J'allais la voir, enfin. Pour un peu, je me serais mis à sautiller avec lui. Il entra dans une suite décorée avec un certain raffinement, par des meubles du monde extérieur. Après l'entrée, se trouvait le salon, caché par un paravent, derrière lequel je pouvais apercevoir une ombre qui lisait.

La pierre des mersWhere stories live. Discover now