OS 16 Vous n'êtes pas moi

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Nous sommes un vendredi soir bien habituel. Comme toute veille de week-end nous trainons, quelques amis et moi, au bar du coin. Une sorte de pub où peu de jeunes passent et où la plupart des clients sont des vieux habitués, certains plus brayards et alcooliques que d'autres...

En faisant abstraction du bruit permanant des discussions plus ou moins intéressantes nous arrivons à passer un bon moment. Certains anciens nous rejoignent, des connaissances de parents, ces adultes que nous connaissons depuis l'enfance, ils viennent aux nouvelles. Chacun parle de ces études ou activités, ces ambitions.

Plus l'heure avance et plus les gens qui nous rejoignent sont vieux...
Assez bizarre comme situation mais ça reste supportable.

Cependant, le pire arrive. Enfin le pire, non c'est faux il y a pire. Il rentre, ce n'est celui à qui je pense, c'est son père, mais appart les rides et les kilos en plus, ce sont les mêmes.
Voir son visage me dégoûte.
Des souvenirs horribles me reviennent à l'esprit.

J'ai envie de vomir. Une nausée immonde m'envahit. Je veux pleurer. Je ne laisse rien paraître. L'ambiance devient de suite moins plaisante.

Le bruit jusque là supportable me bousille les tympans mais sa voix me transperce l'oreille. Je ravale la boule qui se forme dans ma gorge.

Si quelqu'un m'adresse la parole je ne répondrais pas. Je vais hurler, mais pas de belles choses. Non. Je dirai tout ce que les gens ne veulent pas entendre. Non. Les choses qu'ils trouvent ignoble quand on en parle mais qu'ils ignorent lorsqu'ils y sont confrontés. Ces choses qui sont à l'origine de grandes causes pour lesquelles les gens n'agissent pas.
Ils parlent, parlent, parlent...

Oui, si on me parle je vais hurler. Huiler ma rage, ma colère, mon amertume, ma tristesse, ma honte, mes regrets.

Prise de mes pensées je sens soudainement les regards posés sur moi. Il m'a parlé. J'ai tellement rien laissé paraître que j'avais l'air de l'écouter. Le silence s'installe petit à petit.

Je peux rien dire. Mais il insiste. Il me dévisage. Ils me dévisagent.

_ "je dois y aller"

C'est tout ce que j'ai dit avant de m'enfuir. Je cours.

"Tu n'es pas seule tu sais"
"Tu devrais en parler"
"Et tes parents ils sont au courant"
"Porte plainte !"
"Arrête de rester dans le silence"
"Ces hommes sont ignobles ils ne méritent pas que tu les protèges"
"Tu sais si j'étais toi..."

VOS GUEULES.
VOUS NE SAVEZ RIEN.
VOUS N'ETES PAS MOI !

Livre de One-ShotWhere stories live. Discover now