[22ème partie]

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La pire des solitudes est celle d'être seul, tout en étant entouré.


Ma mère, commence à reprendre goût à la vie, petit à petit. La douleur persiste, comme elle persiste en chacun de nous, mais nous ne pouvons nous apitoyer sur un sort que seul notre frère nous a causé. Il n'y a pas de retour en arrière. Pas d'erreurs que nous ne pouvons corriger, et pas de haine que nous ne pouvons faire disparaître. Oui, j'ai la haine. J'ai la haine sur mon frère en voyant le mal qu'il nous impose, comme ci nous n'avions pas déjà assez souffert. Mais je ne peux pas nier la peine que je ressens au fond de moi. Cette peine atrocement vivable. Cette peine qui me rappelle constamment qu'il est seul, dans une petite cellule, insalubre et froide. On en a traversé des peines, mais celle-là est bien la pire, que ce soit pour lui ou pour nous. Ne serait-ce que de l'imaginer chaque soir, couchée dans mon lit, lui, étant couché je ne sais sur quoi, accompagné de je ne sais qui, ne me permet pas de dormir profondément et sans insouciance.

Je lui ai écris. Je lui écris souvent. Malgré ma colère envers lui, que je pense lui avoir assez bien montrée dans ma première lettre, je ne peux m'empêcher d'essayer de le rassurer. Je lui explique que nos petits frères et sœurs vont bien, que Mama pleure de temps en temps, mais qu'elle va du mieux qu'elle le peut. Je ne peux pas imaginer la douleur qu'il peut ressentir lorsque je lui dis que sa mère ne cesse de pleurer pour lui, la douleur qu'il s'est lui même causée. Je lui raconte comment les vacances d'été se passent et que de temps en temps, en voiture, j'emmène nos petits frères et sœurs à la plage (oui, j'ai eu mon permis juste avant d'aller en voyage en Turquie) et que malgré ça, ils ne cessent de demander son retour. 

Dans ma première lettre, je lui ai expliqué comment je ressentais cette trahison. Oui, une trahison, c'est le mot. Il ne nous a pas seulement fait honte, mais il nous a trahi, il a trahi ma confiance et celle de bien d'autres encore. Il avait cette putain de chance de réussir dignement dans ce monde, dans cette vie tellement pourrie et difficile, mais tellement belle si l'on y met du sien et que l'on veut réussir. Il avait l'école, la famille, il avait tout pour. Et puis il a tout fait foirer pour de la merde. 

Mon frère me manque. Je lui ai envoyé des lettres chaque semaine depuis son incarcération.

J'attends toujours sa réponse.


2 septembre 2003

Leïla et moi préparons ses affaires pour son déménagement.

Elle a été prise dans son école de Toulouse, elle a eu les résultats en début de mois d'août. Je n'ai pas réussi à être aussi heureuse que je le devrai au vue des circonstances, mais au plus profond de moi-même, je suis tellement heureuse et fière d'elle. Même si, égoïstement, je suis triste car elle va partir à Toulouse et je ne pourrai la voir autant que lorsqu'elle est à Marseille.

Elle est tellement excitée à l'idée de quitter cette ville et de découvrir un tout nouvel endroit, loin de tous les problèmes de Marseille, ce que je peux comprendre. En plus, elle réalise un des rêves de sa vie : entrer dans une des plus grandes écoles de commerce de France. Elle le mérite tellement et elle réussira, j'en suis certaine.

« T'es sûre de vouloir partir et me laisser toute seule ? 

- Naïla, arrête !

- Bah quoi?

- Tu sais que si tu continues je vais avoir envie de rester ici, et j'en ai pas envie justement.

- T'es sûre de ne pas en avoir envie ? lui dis-je en faisant les yeux doux.»

Elle me jette un coussin en plein dans la tête. Il est lourd, vraiment lourd. En plus, elle n'y est pas allée de mains mortes.

« Putain, t'as mis quoi dans ce coussin ? »

Elle rigole et me prend dans ses bras.

« J'aurai peut-être une petite raison de rester, tu sais.»

Elle me dit ça doucement tout en me lâchant et en souriant bizarrement.

J'essaie de comprendre le sens de sa phrase, mais j'échoue.

« Qu'est-ce que tu veux dire par là?

- Bah, tu sais... moi et Karim...

- Et depuis quand, lui, serait ta raison de rester ici?

- Depuis que c'est officiel...

- Comment ça, officiel ?

- Il a tout arrêté, Naïla, et c'était pas des paroles en l'air. Il m'a tout dit et on est officiellement ensemble !

- C'est pas vrai ?

- Je t'assure que c'est bien vrai.

- Han ! Et tu me le dis même pas?

- Je ne voulais pas te parler de choses peu importantes, t'as d'autres choses en tête en ce moment...

- N'importe quoi, lui dis-je en lui jetant le coussin dessus, celui qu'elle m'a bien gentiment mis dans la figure. »

Elle se frotte la tête en lâchant un petit cri de douleur.

« Ah ouais t'as raison, il fait bien mal au crâne.»

On rigole puis on continue à ranger ses affaires dans des cartons.


Deux jours plus tard, nous sommes à Toulouse. Je l'ai accompagnée pour l'aider à s'installer. Elle a trouvé un joli petit appart dans un quartier bien fréquenté en plein dans Toulouse. C'est bien différent de Marseille : moins de bruit, moins de monde qui crie, c'est plus propre et plus vivable, et surtout, je pense, moins de problèmes.

Leïla reçoit un coup de fil, puis réponds. Après quelques salutations, son visage commence à changer d'expression et je me demande rapidement ce qu'il se passe, et à qui elle peut bien parler...

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 03, 2017 ⏰

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À travers les paroles d'une enfant palestinienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant