[5ème partie]

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On ne sait pas ce qui est arrivé aux autres voisins qui sont restés au quartier. Je ne sais pas si leur maison a été, elle-aussi bombardée. Je ne sais si eux, ont été touché. Je ne sais pas s'ils sont partis se réfugier. J'espère seulement qu'ils vont bien, ainsi que leurs enfants. S'ils sont partis, j'espère qu'Allah leur accordera Sa Miséricorde et s'ils sont encore là, j'espère qu'Il leur facilitera tout ce qu'ils entreprennent. On aurait pu tous y passer avec ma famille s'il n'y avait pas eu l'enterrement de mon frère, je sais que ça paraît égoïste et qu'en aucun cas j'aurai souhaité la mort de mon frère, mais j'ai l'impression que c'est un mal pour un bien, qu'Allah nous a sauvé en dépit de mon frère. Al hamdulilah 3ala kouli hal.

On arrive au bout de 2 heures de marche au camp. On voit pleins de gens, des enfants, des bébés, des femmes, parfois même enceintes, des hommes, des papys, des mamies, des handicapés... Il y a de tout, l'endroit sent encore plus mauvais qu'au quartier, j'arrive à voir des couches par terre, des mégots, des déchets de nourriture pourries et même des selles.  
L'endroit est assez sordide, avec Maï, Yass et Mehdi on fait des têtes bizarres. Mama nous voit et nous dit qu'on ne restera pas ici longtemps. J'espère bien ! Par contre, les réfugiés sont tellement accueillants, ils nous prennent dans leur bras, nous souhaitent la bienvenue et invoquent Allah pour qu'Il nous aide ainsi qu'Il les aide aussi. Amin.

Avec Maï, ma petite sœur et la sienne on s'installe dans une chambre, toute petite avec un lit 2 places. Yass et Mehdi sont dans une chambre avec Mama et khalti Siham, avec 2 lits - un une place, l'autre 2 places -. Les chambres ici sont toutes petites, mais je remercie Dieu qu'on ait un toit pour le moment. J'entends Mama crier mon nom et on se rejoins tous dans sa chambre (Maï, les 2 petites - Smahane et Maryam -, Yass et Mehdi et khalti Sama). Elle nous explique qu'un bateau au port de Gaza embarque des clandestins demain à 17 heures en direction de la Turquie. Elle nous explique aussi qu'on va y aller pour rejoindre la Turquie, et quitter pour de bon la Palestine car c'est devenu trop dangereux pour nous.

« Mama on peut pas quitter Baba et Nabil ici, on ne pourra plus venir les voir.
- Je sais benti, mais ils restent dans nos cœurs malgré tout, ils ont rejoins Allah, il faut qu'on aille dans un endroit plus prudent, c'est beaucoup trop dur de vivre ici maintenant. Inchallah la guerre sera finie et on reviendra.
- Et après ça on ira où ?
- Des bateaux embarquent des clandestins là-bas pour Marseille, en France. On pourra le prendre et tu pourras enfin apprendre à lire ma chérie. Vous tous, vous apprendrez, on trouvera du travail et on vivra sous un toit, inchallah

On finit par tous être d'accords, nous n'avons pas vraiment le choix. On part tous se coucher, moi avec Maryam dans mes bras, et Maï avec Smahane dans les siens, une longue journée nous attend demain.

|10h30|

« Debout les filles, faut qu'on commence à y aller, le port est a 2 heures d'ici à pied! yallah nodo ! (Allez debout) »

Khalti Siham nous réveille, on se lève rapidement. Nous n'avons rien pour se laver le visage, même pas une bassine d'eau donc on met nos chaussures toutes déglinguées et on y va. Mama et khalti portent Maryam et Smahane, et moi je tiens la main de Yass pendant que Maï marche à côté de son chéri - lol -. Pendant que je marche, je repense à tous les souvenirs de ma vie ici. Avec Baba et Nabilou.

|FLASHBACK|
Baba, oui, c'était un homme dur, fort et doux, un homme sage qui avait le pouvoir de transformer tous ses défauts en qualité. Un homme aimant, présent et courageux. Le plus bel homme que je n'ai jamais connu. C'est mon exemple, ma fierté. Il a su combler notre absence de richesse par le simple fait de l'avoir à nos côtés. Il a su nous protéger, nous éduquer et nous faire avancer. À chaque fois qu'on était en danger, devant nous il était. Grâce à lui on a surmonté tous les obstacles, sa plus belle force était son sourire.
Nos pieds dans le sable, on marchait lentement, j'avais ma main dans la sienne. Son regard me donnait la force d'avancer, il me regardait avec des yeux bouillant d'amour. Il me prouvait à chaque regard que jamais il ne me lâcherait. Mon Dieu comme je l'aimais et comme je l'aime.
Après sa mort, chaque soir je pleurais, ma tête enfouie dans l'oreiller. - Demain viendras-tu me réveiller ? Irons-nous sur la plage ? Dans les champs de blé ? - Je me souviens quand il me disait : «Se lever tous les matins en essayant d'être meilleur que la veille, c'est un grand programme pour la journée.» Ces phrases remplies d'espoir et de sagesse me donnent à présent l'envie d'avancer. C'était mon rayon de soleil en temps de pluie, le pansement de mes blessures, le sourire de mes larmes. C'était l'homme de ma vie. J'aurai tué pour lui, j'aurais remué ciel et terre pour le retrouver.

Vous savez, Mama parle souvent de lui. Vous la verriez... Son sourire jusqu'aux oreilles lorsqu'elle sort son nom de ses lèvres. Elle est resplendissante. Elle parle de lui avec un amour tellement passionné et passionnel que même ses yeux dénoncent tout l'amour qu'elle éprouve pour lui. Cette femme est merveilleusement courageuse. Elle a su nous apporter tout le réconfort qu'il fallait après son décès. Ses bras ont toujours été assez grands pour nous 4. Pour Baba, elle aurait résisté à toutes les batailles, elle aurait donné son cœur et son âme pour le rejoindre. Mais elle est restée, elle a survécu pour nous, pour assurer sa descendance. Baba doit être fier de Mama, qui a partagé sa vie et qui, inchallah, partagera son Paradis.
Toute petite, il m'a toujours dis que lorsque l'on meurt, on rejoins Rabbi al3alamin, alors, s'il-te-plait, Baba, demande Lui de nous sauver de cette guerre, de ces bombes, de ces larmes et de ces malheurs. Demande Lui de bien veiller sur toi, Nabil et tous nos frères victimes de ces massacres. Demande Lui que plus aucun malheur ne s'acharne sur notre famille et notre peuple. Je ne le dis pas, Baba, mais je souffre, terriblement. Cette souffrance nous ronge au plus profond de notre âme.
|RETOUR À LA RÉALITÉ|

On arrive au port, on voit que l'embarquement a déjà commencé, Mama nous pousse tous vers le bateau et nous fait monter rapidement. Elle vérifie que tout le monde est là. C'est bon, nous sommes dedans. On attend le décollage, et là je me dis...

Au revoir, Palestine...

À travers les paroles d'une enfant palestinienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant