Juste un peu d'espoir

Neuf

Je sors de chez le gynécologue plutôt mal en point. Il m'a révélé des choses qui m'inquiètent et me font peur. Surtout seule.
J'ai peur, tellement peur. J'en suis donc a mon 5ème mois de grossesse presque le 6ème, et le mec m'annonce quoi ? Qu'il y a 80% de chances que mon enfant naisse prématuré ! Alors que je suis sans un vrai toit, sans un vrai travail, sans une vraie situation. En moins de deux mois, je n'arriverai jamais a rattrapper tout le temps que j'ai perdu. Comment est-ce que je vais faire ? J'ai besoin de quelqu'un à qui me confier. Mais qui ?
Lucas ? Non il ne mérite pas mon attention pour l'instant. D'ailleurs, il m'a envoyé des messages. Encore. Mais je n'en tiens pas compte pour le moment, peut-être ce soir.
Julien alors ? Je ne le connais pas assez, notre rencontre ne date que de quelques heures. C'est impossible. Bien qu'il soit très gentil.
Mes parents ou ma soeur ? Inutile. Je ne veux plus les voir.
Mon ancienne meilleure amie ? Je ne veux pas d'un appel, je veux une présence, un câlin, un contact quoi ! Qu'elle ne peut pas m'apporter à distance.
Bon et bien je suis seule c'est bien ça. C'est génial. Je n'ai aucune idée de la suite de mon programme de cet après-midi. Il est à peine 15 heures.
Si j'allais au cinéma ? Bon toute seule ça craint un peu mais tant pis, ça m'occupera, je n'ai rien à faire, car je n'ai pas envie de rentrer maintenant. Je pourrais chercher un studio mais je me sens trop fatiguée. Ce sera donc un cinéma. Toute seule.
J'aimerai vraiment... Non il faut que j'arrête de penser à lui. Mais c'est plus fort que moi. Il me manque.
Je marche lentement jusqu'au cinéma. Je n'ai pas regardé les séances qu'il y a, même pas les films. J'attendrai.
Une larme perle au creux de mon oeil. Lucas... Pourquoi tu me fais ça ? J'arrive pas à te pardonner mais pourquoi ? Qu'y a t-il de mal dans le fait que tu sois en couple ? Qu'est-ce qui m'arrive ?
J'arrive à l'entrée du grand bâtiment et regarde les films et les horaires proposés. Il y a un film romantique qui dure 2 heures dans 30 minutes. C'est parfait. Au point où j'en suis.
Enfin je ne sais pas où je suis justement. Bref.
Je paye ma place et m'installe sur un fauteuil devant la salle. J'aurai pu être ici. Mais pas seule. La vie ne me fera donc jamais de cadeaux ?
Je sens mon téléphone vibrer dans mon sac. Mon coeur fait un bon. Un nouveau message de Lucas ?
J'ouvre précipitemment ce qui me sert de fourre-tout et allume l'engin.
1 message non lu (numéro inconnu).
Bon bah, ce n'est pas lui. Je cache ma déception tant bien que mal. Même si je suis toute seule. Je n'assume pas vraiment mon état.
Je commence donc à lire ce fameux message.
??? : Salut ! Tu dois te demander qui c'est. Ne t'inquiète pas, c'est seulement Julien. Tu vas bien depuis tout à l'heure ? Ça te dirais que l'on se voit ce soir ? Qu'on mange ensemble ? Je suis tout seul tous les soirs et j'ai remarqué que toi aussi donc si ça te dit, tiens moi au courant. Cela me ferai très plaisir.
Julien.
Son message me fait sourire. Malgré moi. L'ascenceur émotionnel. Il est vraiment gentil. Enfin non, mignon. Craquant. Qu'est-ce que je fais ? J'ai terriblement envie d'accepter. J'ai peur de passer pour la fille désespérée, en manque d'attention. Ce qui est finalement le cas. Cette pensée me fait rire. Je n'ai pas remarqué mais des gens sont arrivés devant la salle pendant que je rêvassais. Ils me dévisagent. Je peux comprendre leur réaction. Bon que dois-je répondre à ce bel homme ?
Je commence à pianoter ma réponse.
Je lui réponds que je suis d'accord et que je rentrerai à l'hôtel vers 18h30.
Contente de ma réponse, un sourire se dessine malgré moi sur mes lèvres.
J'aperçois de nouveau ces yeux malpolis mais je n'y prête pas attention.
Plus rien ne compte. Je veux enfin penser à moi. C'est trop tard de toute manière, au point où j'en suis. Je vais vivre et je dis merde aux conséquences, tant que ça ne concerne pas mon enfant.
Résignée, de meilleure humeur, je rentre dans la salle plongée dans le noir.

***

Quelques heures plus tard, le film terminé, les lumières se rallument. Je me rends compte que je me suis endormie pendant tout le film. Gênée, je me dit que ça ne devait pas être très interressant. J'espère seulement que je n'ai pas fait de bruit. Je sors et me dirige vers un arrêt de bus. Je suis trop faible pour marcher jusqu'à mon hôtel qui est loin. Je me changerai aussi avant d'aller manger avec ce Julien. Je ne ressemble plus à rien : ma jupe est toute froisée, les mèches de mes cheveux vont dans tous les sens et mon rouge à lèvres s'effrite. C'est horriblement laid.
18h03
Le film était quand même très long je trouve. J'ai reçu de nouveaux messages de mon "meilleur ami" mais je n'ai pas envie d'y répondre. Toujours pas.
Le bus arrive, quelques minutes plus tard. Il est bondé. Les gens rentrent du travail, les ados rentrent du collège ou du lycée. Il n'y a plus aucune place assise. Les places pour les femmes enceintes sont prises, mais pas par les concernées. Ça m'exaspère. Et cet homme ne me cède même pas la place. Alors qu'il m'a vu.
Quelle journée banale. Enfin sans ce Julien. Il faut avouer que cette rencontre était vraiment innatendue. Je ne sais pas si il me plaît. Physiquement, oui évidemment. Mais je ne le connais pas assez pour apporter un plus long jugement. Il m'intrigue à vouloir être si proche de moi. Je verrai bien ce soir comment il sera. Je crois que j'ai hâte.
Les arrêts de bus défilent, les uns après les autres mais je n'y fais pas attention, le trajet est long logiquement.
Et Lucas ? Est-ce que je dois lui répondre ? Si oui, quoi ? Trop de questions me perturbent en ce moment, et je crois que ma fatigue est aussi en partie due à mon appréhension.
Je me fais bousculer par un ado, ce qui me tire de ma rêverie. Lorsque je me rends compte que j'ai loupé mon arrêt, je me précipite pour sortir avant que les portes ne se referment.
Bravo, quelle pas douée... Suis-je à ce point retournée ? Il faut bien le croire.
Je réajuste mon écharpe qui avait glissé et continue donc mon chemin en sens inverse et à pieds malgré mon mal de dos.
Et merde je viens de recevoir une goutte, il pleut. Décidement !
Quelques minutes passent et c'est toute essouflée et trempée que j'arrive dans la rue où se situe mon hôtel.
Un homme attend devant celui-ci. Il fait quoi dans ce froid et sous cette pluie ?
J'accélère le pas et reconnaît cette silhouette et ce visage. C'est Julien. Ce n'est pas moi qu'il attendait j'espère ?
Julien : "Bonsoir Aglae ! T'as l'air toute essouflée et t'es toute mouillée ça va ?"
Moi : "Je suis un peu fatiguée et j'ai mal au dos mais ne t'inquiète pas. Tu faisais quoi dans le froid dis moi ?"
Julien : "J'attendais que tu arrives"
Moi : "Bah pourquoi on ne va pas manger tout de suite ?" dis-je en riant.
On rentre dans le hall bien chauffé. Ça me fait un bien fou.
Julien : "J'avais envie. On se dit pour quelle heure ce soir ?"
Moi : "Oh comme tu veux, seulement le temps que je me change"
Julien : "20h ça te conviendrai ?"
Moi : "C'est parfait"
Il me fait son grand sourire charmeur que je lui rends, et nous nous séparons vers nos chambres respectives.
Ma soirée s'annonce vraiment agréable...

LUCAS

Aglae me manque. Vraiment. J'ai dû mettre ma fierté de côté pour lui envoyer tous ces messages. Mais je m'inquiétais pour elle. Mais plus maintenant. Je savais qu'elle vait rendez-vous chez le médecin cet après-midi et je voulais la voir pour lui parler, prendre de ses nouvelles, m'excuser. Je l'ai donc attendue.
Je suis resté au moins deux bonnes heures garé devant son hôtel dans l'espoir de la voir arriver et de pouvoir lui parler. Quand enfin je l'ai vue marcher dans la direction de celui-ci, j'ai ouvert la porte pour sortir de ma voiture.
C'est la que je l'ai vue. Elle était avec un homme. Elle lui souriait. Elle avait l'air bien. Heureuse. Elle avait comblé mon absence. Avec un autre garçon, qui ne mesurait sans doute pas l'étendue de sa chance.
Je suis retourné dans la voiture. Elle était là tout près mais ne semblait pas avoir besoin de moi. Aglae riait.
Mais pas avec moi.
Est-ce qu'elle ressent ce déchirement incompréhensible qu'elle m'inflige ?