Huit

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LUCAS
Mais pourquoi elle ne me répond pas ? Je regrette ce que j'ai fait, vraiment... En plus d'avoir perdu ma meilleure amie, j'ai aussi perdu...
Nan, faut pas que je pense à ça. Elle me rend complètement fou que j'en viens à douter de moi-même.
Hier, lorsque Aglae est partie, je n'étais pas bien. Je voulais qu'elle reste près de moi. Et ce dernier câlin que nous avons échangé devant l'hôtel m'est resté dans la tête. Que voulait-il dire pour elle ? Est-ce qu'on avait la même signification de ce geste ? Je suis sûr que pour elle, ce n'était que de l'amitié. Mais de mon côté j'en doute. J'ai peur de la réalité. Peur d'aimer. D'aimer quelqu'un comme elle. D'être amoureux. De dépendre d'une personne. Il faut encore une fois que je l'oublie.
Ce soir, Chloé vient. J'espère qu'elle me changera les idées. Parce que maintenant j'en ai vraiment besoin. Plus que tout.
Une tape dans le dos me fait revenir à la dure réalité du travail. J'entends un  "Je ne te paye pas à rien faire !" de la part de mon patron et me remets à bosser.
Le garage où je travaille depuis que je ne suis plus étudiant est très bruyant. C'est loin d'être un job de rêve mais le salaire est correct et me permets de vivre correctement. Je me dirige vers une voiture, les mains pleines de cambouis et commence à m'en occuper.

AGLAE
Ce silence entre nous est très gênant. Il m'observe depuis quelques secondes qui me paraissent comme des heures. Lorsqu'il se décide enfin à rompre le silence, je me soulage un peu.
L'inconnu : "Je suis désolé je ne me suis même pas présenté, je m'appelle Julien. C'est moi qui vous ai bousculée hier et je m'en excuse encore une fois. Pour me faire pardonner je vous invite ce midi."
Moi : "Ne vous inquiétez pas je vais bien. Moi c'est Aglae, enchantée. Mais  ça me gêne, je paierai mon repas."
Julien : "Enchanté Aglae. Non j'insiste, ça me fait plaisir, et puis ce n'est pas comme si c'était très cher ici." me dit-il d'une voix douce en souriant à nouveau.
Moi : "Mais on ne se connaît pas !"
Julien : "S'il vous plait faîtes moi plaisir."
Moi : "Mais je...".
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il met un doigt sur sa bouche. Ça a pour effet de me faire taire immédiatemment. Il me demande de choisir mon repas et il fait de même, en silence. Quelques minutes plus tard, le serveur vient prendre notre commande, lui un steak tartare, moi des tagliatelles au saumon, et repart en cuisine.
Il me regarde, comme tout à l'heure, fixement. J'ai l'impression qu'il peut lire en moi et ça me gêne. Va-t-il me dévisager comme ça pendant des heures ? Il attend quoi pour me parler ? C'est lui qui m'a invitée après tout. Oh mon Dieu faites qu'il se dépêche parce que là il est beaucoup trop déstabilisant.
Julien : "Alors Aglae, tout d'abord on peut se tutoyer ?"
Enfin ! Je n'y croyais plus.
Moi : "Oui bien sûr, il n'y a pas de problème là dessus."
Julien : "Très bien alors parle moi de toi."
Moi : "Tu es un peu mal poli, c'est toi qui devrai commencer !"
Julien : "C'est vrai tu as raison."
Il me parle alors de lui, de sa vie. J'apprends donc que son appartement est en plein travaux, et que c'est donc pour cette raison qu'il est à l'hôtel. Il travaille dans l'immobilier et à l'air de plutôt bien gagner sa vie. Et... il est célibataire. C'est bon à savoir. Nan je rigole je m'en fiche. Après tout on se connaît seulement depuis quelques minutes, quel film est-ce que je suis en train de me faire ? En tous les cas il est très gentil, vraiment.
Je redoute le moment où ça sera mon tour de parler. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire à part la triste vérité ? Il n'y a pas grand chose à savoir sur moi finalement.
Lorsqu'il termine de parler, il me fait signe que c'est à mon tour de m'exprimer. Je prends une grande inspiration et... Le serveur débarque avec les plats. Il nous sert et une fois parti, Julien éclate de rire.
Moi : "Qu'est-ce qui te fais rire comme ça ?" dis-je, indignée.
Julien : "C'est ta tête quand le serveur t'as coupé dans ton élan, c'était vraiment drôle !"
Je fais la fille un peu vexée et il arrête de rire mais me sourit. De son sourire si craquant qui me perturbe. Il me fait signe qu'il attend que je parle.
Pour la deuxième fois, je prends mon inspiration et cette fois-ci, ne me fait pas interrompre. Je lui explique alors ma vie en bref et lui raconte plutôt les détails de mon arrivée sur Lyon.
Son regard sur moi me fait me sentir mal et je sens que ce regard est triste, vraiment triste.
Quand je termine enfin mon récit, il a l'air encore plus mal que lorsque j'ai commencé.
Moi : "Ça ne va pas ? Qu'est-ce qu'il y a ? T'as l'air pas bien." je murmure, d'une voix qui se veut apaisante.
Julien : "C'est seulement que ce salop qui t'as mis enceinte sans en assumer les conséquences et ton ami qui te laisse comme ça sont complètement idiots ! Ça me rend fou."
Sa voix tremble et je peu ressentir la colère comme la tristesse dans celle-ci. Depuis quand les inconnus s'inquiètent-ils comme ça pour d'autres inconnus ? Je lui pose donc la question parce que je préfère être franche.
Julien : "C'est seulement que... Non je t'expliquerai plus tard, je ne veux pas gâcher ce moment."
Je ne dis rien et nous continuons à manger notre plat, dans les rires et le bruit de la salle, alors qu'entre nous nous n'échangeons plus rien.

***

Le bel inconnu a donc payé le restaurant (je ne compte pas me laisser faire) et m'a accompagné jusqu'au cabinet de mon gynécologue. Pas vraiment sexy à vrai dire. Enfin bon. Nous avons échangé nos numéros afin de mieux nous connaître et nous nous sommes fait la bise avant qu'il ne reparte travailler.
Je suis maintenant seule dans la salle d'attente. Mon rendez-vous est à 14 heures. Je regarde ma montre. 13h51.
J'ai un peu de temps. Lucas ne m'a pas renvoyé de messages.
Est-ce que je dois lui répondre ? Oh plus tard hein ! J'ai été assez gentille et compréhensive, il peut bien attendre.
Une voix : "Madame Garnier ? Le docteur est prêt et vous attend."

Juste un peu d'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant