Deux

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Il fait nuit. Nous sommes fin septembre, l'air commence doucement à se refroidir car il est près de 20 heures. La gare est très bruyante, malgré l'heure tardive et les gens se pressent de tous les côtés, ne faisant pas attention les uns aux autres. Je relève la tête. À quoi bon pleurer ? Il est trop tard. J'essuie mes larmes avec le revers de ma veste et me remets à marcher. Ce foutu train ne doit pas être loin. Il faut que je me dépêche car il part dans à peine quelques minutes.
Reprends-toi Aglae, reprends-toi. J'attrape ma valise que j'avais auparavant déposée contre un mur et me dirige vers un panneau d'affichage. Lorsque je trouve enfin mon train pour Lyon, je me mets à marcher de plus en plus vite. Les gens me bousculent, certains assez violemment, ne se retournant même pas pour s'excuser, ne prenant même pas la peine de considérer mon état. Car même en étant enceinte de 4 mois seulement, mon petit ventre est déjà nettement visible. Ma valise est lourde et c'est avec peine que je la monte enfin dans mon wagon. Personne ne m'aide, personne ne me regarde. Tout le monde ne pense qu'à soi.
Y a t-il quelqu'un sur cette planète qui a ne serait-ce qu'un peu d'humanité ?
Je pose ma valise à l'endroit prévu et marche doucement jusqu'à mon siège, non sans peine car mon dos me fait souffrir. Je m'installe finalement à ma place et sort mon sandwich acheté quelques minutes avant. Je suis complètement affamée.
Le train démarre enfin et je contemple ce que je peux voir une dernière fois de Paris, en savourant mon repas. Cette ville va me manquer. J'ai énormément de souvenirs là-bas car en trois ans d'études, on a le temps de se repérer. J'ai fait des études de droits dans une grande école de la ville et je travaillais le soir au resto pour me les payer. Dès que je n'avais pas cours, je travaillais la journée, ce qui arrivait relativement souvent, afin de gagner plus d'argent car la vie parisienne est affreusement chère. Mais j'étais heureuse car j'étais devenue indépendante. Depuis quelques années je ne m'entendait plus très bien avec mes parents... Ni avec ma sœur d'ailleurs. De vieux conflits familiaux m'avaient éloignée des seules personnes qui me restaient. Même Adèle je ne la verrai plus. Je crois qu'il ne me reste que mon meilleur ami du lycée, Lucas. On s'entendait merveilleusement bien et il me manquait. À vrai dire c'était la seule personne que j'avais hâte de revoir. Il était toujours là pour moi.
Je sors mon téléphone et commence à taper un texto.
Moi : Salut Lucas, tu vas bien ? Je rentre ce soir à Lyon, j'ai eu des problèmes à Paris. Je suis dans le train, j'arrive de nuit. Préviens moi si tu es là, je t'expliquerai ce qui m'arrive. Bisous
Je ne sais pas si il a une petite-copine. Pas que je veuille sortir avec lui, mais si c'est le cas je devrai dormir à l'hôtel et je n'ai plus beaucoup d'argent. Cela fait quelques semaines que l'on ne s'était pas parlé à cause du déménagement. Je ne lui avait rien dit sur mon état, ma situation. J'avais peur de sa réaction. Il m'aiderait, c'était sûr mais me comprendrait-il ?
Quelques minutes plus tard, alors que je suis en train de plonger dans les bras de Morphée, le vibrement de mon téléphone me réveille.
Lucas : Hey salut toi ! Je vais bien et toi ? J'espère que ce n'est rien de grave.. Je suis tout seul chez moi ce soir tu peux venir dormir à la maison ma puce. Envoie un sms dès que tu arrives je passe te chercher à la gare et on discute de tout ça. J'ai hâte de te revoir. Prends soin de toi.
Son message me remonte tout de suite le moral. J'ai un toit où dormir ce soir et je vais revoir mon meilleur ami, que je n'ai pas vu depuis 1 an. Enfin quelqu'un qui s'inquiète de mon état. Qui pense à moi. Je vais lui sauter dans les bras. Nous sommes vraiment très proches, c'est comme un grand frère pour moi. Est-ce qu'il va remarquer mon ventre ? Qu'est ce qu'il dira ? Je pense le cacher jusqu'à chez lui, et arrivée là-bas, tout lui avouer.
Rassurée mais épuisée, je mets mes écouteurs et m'endors, bercée par ma musique.

Juste un peu d'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant