11. Schrödinger

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"Memento mori" - "Souviens toi que tu dois mourir"

***

La base d'Utopia Planitia se dévoile enfin, minuscule bastion d'humanité au milieu d'une lande stérile.

Je n'ai jamais été aussi heureuse de la revoir.

Si la base est toujours intacte sur le sol martien, c'est que mes parents, Jason et tous les autres sont en vie. Mais mon bonheur n'est que de courte durée.

Le GPS nous indique que nous ne sommes plus qu'à six kilomètres, lorsque soudain, le moteur s'arrête en toussotant. Le rover pile de façon si brutale que j'en ai le souffle coupé.

Fichue planète.

— Qu'est-ce qu'on fait ? On y va à pied ?

Pour seule réponse, Hayden mets son casque, et je l'imite avec un soupir.

Six kilomètres à parcourir vêtus de nos simples combinaisons intra-véhiculaires.

Je consulte ma réserve d'oxygène, et mon sang se glace. Tout juste une heure. Mon ventre se tord dans un nœud d'horreur pure.

— Ça va aller, murmure Hayden dans son micro.

Je me rencogne dans mon siège, fermant les yeux.

— Combien est-ce qu'il te reste, à toi ?

— Une heure trente.

Je hoche la tête, soulagée. Lui au moins arrivera à la base sans dommage. Moi, en revanche... Sa main se pose sur mon bras.

— On y va ?

Six kilomètres, une heure d'oxygène. Je consulte ma montre.

Sol 306, an martien 10, 8h29, heure martienne.

— On y va, dis-je en hochant la tête.

J'ouvre la porte du rover. Mes semelles laissent de profondes marques dans la terre martienne.

— Économise ton souffle, murmure Hayden dans mon oreillette avant de descendre à son tour.

Mais mon cœur bat follement sous l'assaut de la peur, et ma respiration s'accélère de manière incontrôlable.

— Harmony, calme-toi...

Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir. Je ne veux. Pas. Mourir.

Rien ne saurait décrire la terreur qui s'empare de mon être à cet instant. Chaque minute qui passe fait descendre un peu plus ma jauge d'oxygène. J'ai l'impression que mes jambes vont se dérober sous moi à chaque foulée.

Des perles salées coulent sur mes joues tandis que je contemple au loin les modules de la base, enfouis sous les couches de régolite. Mes yeux écarquillés, emplis de larmes, restent rivés à la structure jaunie par la poussière.

Un pas, un autre, encore. Je chancelle, me rattrape à l'épaule de Hayden.

Mes larmes de peur se transforment en perles de rage. Je voudrais hurler à Mars d'arrêter.

Sol 306, an martien 10, 8h43, heure martienne.

La base semble toujours aussi éloignée, alors que le rover n'est plus qu'un point lointain dans notre dos. Oui, je voudrais hurler à Mars que sa trahison m'est intolérable. La fatigue noue mes muscles, me fait trébucher - et ralentir.

Sol 306, an martien 10, 8h59, heure martienne.

J'étouffe un sanglot. Il nous reste trente minutes.

Fille de Mars -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant