Elle s'arrêta net. Aurélia était en pleurs, et la fatigue qui la gagnait était loin de retenir les mots blessants qui sortaient de sa bouche.

   - Je vais faire un tour, finit-elle en prenant le sac à dos qui lui servait de sac à main, puis la porte.

   Encore ce soir là,Aurélia resta seule à l'appartement. Elle comprenait très bien les agissements de sa grande sœur, après tout c'est Anna qui avait raison. Malgré son absence, elle était la seule des deux à contribuer au loyer, et rien que pour ça, Aurélia devrait lui être très redevable. Mais serait-ce trop demandé que de ne désirer,rien que pour un soir seulement, la chaleureuse présence du dernier membre de sa famille qui lui restait ?

   Encore sous le choc de cette violente dispute, Aurélia alla dans sa chambre se coucher,dépitée. D'ordinaire, Anna l'emmenait en ville lui acheter un gâteau qu'elles s'empiffraient sur les marches de l'église. Aujourd'hui, elle était partie, et cette nuit là plus que les autres, elle lui manquait, terriblement.

   Pas cette Annabelle téméraire et obstinée au côté parfois obscur. L'Annabelle d'antan, celle qui faisait le soleil de sa vie, qui comblait le monde triste de son humeur joyeuse. Celle de qui ce même sourire a disparu de son visage lors de l'accident de ses parents il y a 6 ans de cela.

   Emmitouflée dans ses draps, Aurélia se remémore tristement les souvenirs de cette soirée si marquante. Bien que les plaies aient été définitivement fermées, la douleur émotionnelle ressentie à ce moment revint en même temps que les images. C'était le 14 Novembre 2003.

*

   Dans la maison dont la boîte aux lettres était au nom de Monsieur et Madame Fischer, seule la lumière du salon éclairait l'ensemble de la rue dans cette nuit d'un typique vendredi soir. Dans cette pièce d'où le faible éclairage provenait, les deux filles des propriétaires de la demeure, Annabelle et Aurélia, riaient et jouaient à en réveiller le voisinage. Dans cette pièce à l'ambiance si chaleureuse causée par le feu de cheminée, les deux sœurs étaient engouffrés dans des draps, à se chatouiller le bout des membres et à concourir pour laquelle des deux tiendra le plus longtemps face à l'autre.

   Après un long fou rire, Annabelle marqua une pause. Qu'elle est magnifique, se disait sa jeune sœur, quand elle contempla sa source d'inspiration entrain de passer sa main dans ses longs cheveux ocre tenus de sa mère.Si elle voulait ressembler à quelqu'un en particulier plus tard, ça sera sans hésiter sa sœur adorée.

   - Finalement, c'est bien que tu sois malade, sinon, t'aurais été obligé d'aller à ce concert. Et on se serait moins bien amusé si on n'était pas ici,toutes les deux, pas vrai ?

   - Oui, mais c'est mon groupe préféré, alors je suis un peu triste quand même,bougonna Aurélia du haut de ses neufs ans.

   - Rooh, t'en fais pas, sœurette, y en aura d'autres des concerts, pas loin de cette ville paumée, la rassura t-elle en lui encerclant les épaules de son long bras. Pense plutôt à Papa et Maman qui se sont forcés d'y aller pour rentabiliser les billets.

   Elle lui pinça le nez, Aurélia et elle se regardèrent alors d'un sourire complice et pouffèrent de rire en synchronisation rien qu'en pensant à toutes les bêtises qu'elles pourraient bien faire toutes les deux.

   Puis un son vint mettre fin à l'ambiance. C'était la sonnerie du téléphone qui retentissait dans une fréquence aiguë insupportable.

   - Ah, ça doit être Papa qui nous appelle pour nous dire qu'ils vont sûrement être en retard. Attends-moi.

   Annabelle se rua vers le téléphone pour décrocher, fixé par le regard d'Aurélia,accoudée au rebord du canapé.

   - Alors Papa, on arrive en retard ? C'est pas comme ça que tu m'as élevé,dis-moi...

Un monde à retrouverWhere stories live. Discover now