Là, ça m'a complètement choquée. Non pas parce qu'il avait remis le slip que j'avais vu la veille car, si c'était le même motif, la couleur était différente (ouf !), mais parce qu'il avait mis un slip assorti à son T-shirt du jour !! C'est à dire un crâne mexicain "el Día de los Muertos ".

Est-ce que Gab pouvait vraiment être du genre à faire attention à ce genre de détails ? Je veux dire, même moi, je fais pas attention à mettre ma culotte Batman quand je porte mon sweat à l'effigie de l'homme chauve-souris (et puis de toute façon j'en ai qu'une seule comme ça donc... bon, voilà).

Il s'est retourné et m'a regardée d'un air bizarre. Y-a-t-il vraiment un risque qu'il ait surpris mon regard ou mon sourire, ou, pire, qu'il ait lu dans mes pensées ?!

« Comment tu fais ça ? m'a-t-il demandé.

— Comment je fais quoi ? ai-je répondu d'un air que j'espérais le plus innocent possible.

— Tes cheveux, comment tu...

— Oh, non ! j'ai glapi. Tu vas pas recommencer avec ça ! Je t'ai déjà dit que c'est pas rose ! C'est juste roux, ok ? DU ROUX !

— Non, rien à voir avec ton déficit en cellules photoréceptrices... Tu sens pas qu'ils volent tes cheveux ? On dirait que t'as un ventilateur pointé sur la gueule, alors qu'il n'y a pas un brin de vent. »

J'ai posé mes mains sur ma tête. Comme je ne voyais pas du tout de quoi il parlait, j'ai haussé les épaules en faisant une grimace.

Il s'est rassis à côté de moi.

« Attends, mais je t'assure que t'as un truc. Laisse-moi voir un peu. »

Il a levé sa main puis s'est ravisé.

« Me pète pas le doigt, cette fois, hein ! »

Il a levé son index et l'a approché de mon visage tout en louchant. Instinctivement, j'ai eu un léger mouvement de recul, mais je l'ai finalement laissé faire.

Si on avait été dans un animé japonais, il y aurait eu un bruitage du type « pouic pouic » au moment où il a tapoté ma joue. Puis il y aurait eu un plan sur le vieux qui passait devant nous au même instant en nous regardant de travers. Il y aurait ensuite eu un très gros plan sur mon visage. J'aurais eu les yeux écarquillés par la confusion et la honte d'être surprise dans cette situation. Mes joues auraient rougi et une goutte de sueur aurait dégouliné le long de ma chevelure (qui pour le coup serait sûrement rose, parce que les japonais ils aiment bien ça...).

Malheureusement, dans la vraie vie, il n'y a pas eu de « pouic pouic » et les gouttes de sueurs ont surtout dégouliné le long de mes aisselles.

« Ha, non... c'est fini, a fini par dire Gabriel avec une pointe de déception dans la voix et le doigt toujours posé sur ma joue. »

Il a suivi mon regard et a aperçu le vieux qui nous jetait un dernier coup d'œil avant de disparaître derrière les buissons. Puis il m'a regardé à nouveau et on a éclaté de rire.

On a dû rire pendant au moins cinq minutes jusqu'à ce que son téléphone vibre.

« Ah, c'est ma mère. Elle a pris son aprem pour qu'on aille acheter une calculatrice pour la rentrée.

— Déjà ? On vient à peine de commencer les vacances !

— Tu la connais, elle est toujours à la recherche d'un moyen de se déculpabiliser de son statut de mère célibataire et carriériste. Avec un peu de chance, je pourrais même négocier un nouveau PC pour la rentrée. »

Il m'a fait un clin d'œil en se levant, puis il s'est tourné vers moi une dernière fois.

« Ah, au fait, si ta mère découvre que tu te goinfres de chocolat, tu éviteras de lui dire que c'est moi qui t'ai pervertie, ok ? J'aimerais qu'elle conserve encore un peu l'image du garçon parfait qu'elle s'est faite de moi. Ça peut toujours être utile. »

J'ai levé les yeux au ciel tandis qu'il se dirigeait vers la sortie du parc.

« See you ! » a-t-il lancé avec un signe de la main sans se retourner.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais en le regardant s'éloigner, je me suis dit que j'espérais que ma mère ai de tmoi une image de la fille parfaite. Au moins, si on doit m'enterrer prochainement, elle ferait un discours très émouvant sur sa fille parfaite disparue trop tôt. Après quoi, elle pointerait un doigt accusateur vers les membres de la mafia se trouvant devant l'entrée de l'église avec leur parapluies noirs (ils font toujours ça, non ? Peut-être pour s'assurer que leur victime est bien morte. On sait jamais, si j'étais un vampire ?) et leur promettrait une vengeance sanglante.

Remarque, c'est pas gagné : le seul truc saignant qu'elle supporte, c'est les steaks de soja...


***


De retour chez moi, ma mère était scotchée devant le premier épisode de « Madame est servie », une série télé des années 80. Je crois qu'elle l'a déjà vue au moins cent fois, mais ça la fait toujours autant rire.

J'ai jeté un coup d'œil à la télé et là, j'ai eu THE révélation. Le gars, Tony, sonne à la porte de la maison où il postule pour devenir homme à tout faire. Angela, La femme qui avait besoin de ses services, lui ouvre la porte en peignoir et lui demande qui il est. Et là, il répond « Tony Micelli ».

TONY MICELLI !

Ça se prononce comme Anthony MICHELLI !!

Antony Michelli, Tony Micelli... tu parles que j'avais toujours entendu ce nom ! Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?!

Je suis restée figée là, accoudée sur le dossier du canapé et ma mère a fini par remarquer ma présence au-dessus d'elle. Elle a levé la tête et m'a demandé :

« Tient, t'étais où, toi ?

— Heu... Comme d'habitude : Juste au parc... avec Gab'.

— Hum... Ton cahier de vacances ne va pas se terminer tout seul, tu sais ? J'aimerais que tu le fasses sérieusement, pour une fois. On l'a payé assez cher pour que tu puisses progresser en math. On ne te fera pas redoubler toutes les années, alors fais un effort, s'il te plait. »

Y-a-t-il quelqu'un qui est au courant que c'est les V-A-C-A-N-C-E-S depuis seulement DEUX jours ???

Et sérieux, j'espère bien que tu vas pas me faire redoubler une deuxième fois ! Et puisque j'y suis, t'aurais pu commencer par éviter de me faire redoubler tout court !

Parce que oui, si je redouble, c'est bien à la demande de mes parents. J'aurais pu passer en première L ou ES, mais pas en S à cause de ma « super » moyenne en math. Alors mes parents ont fait une lettre au proviseur. On est allé voir plein de gens très intelligents (des profs, des conseillers d'orientation et même la femme du CDI !) qui avaient tous une idée de ce que je devais faire de ma vie et, finalement — TADAM ! —  je rempile pour la classe de seconde l'année prochaine. Merci, les parents !

Bien sûr, je n'ai rien dit de tout ça à ma mère. Je me suis juste éloignée pour aller dans ma chambre, mais elle a insisté :

« Tu pourrais me répondre quand je te parle.

— Mhhh... Je vais faire mon exo, j'ai répondu dans ma barbe.

— Parfait. »

Dans le couloir, j'ai croisé l'œil maquillé de Léa dans l'entrebâillement de sa porte. Elle m'a fait un petit sourire compatissant. J'ai essayé de lui sourire aussi, mais le cœur n'y était pas.

***


Bon, la bonne nouvelle, c'est que ma théorie mystique de la résonance des prénoms n'était pas fondée ! Donc, Cela veut peut-être dire qu'Anthony n'aura pas une importance MORTELLE dans ma vie ?!

Nutella Girl [En Pause]Where stories live. Discover now