20. Angel : Douze

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Après plus d'une heure et quarante-cinq minutes à survivre dans un stade qui pue la transpiration et qui tremble des hurlements des supporters, j'avais atteint ma limite et ma tête était sur le point d'éclater. Alors je suis rentré immédiatement après la fin du match, pendant la ola. Je ne voulais pas me faire remarquer, alors je me suis fondu dans la masse. Mais c'était également pour tenter d'échapper à ce regard et ce visage qui me font cauchemarder. Même avec Noa dans mes bras la nuit, elle revient chaque fois me hanter.

Je soupire pour la énième fois en regardant la télévision et ouvre le robinet en tournant le dos à l'écran pour me laver les mains et le visage. Il faut que je reprenne mes esprits ! Mais bordel, c'est tellement difficile... Après toutes ces années, c'est toujours aussi compliqué pour moi. Je craque toujours en rentrant chez moi.

Le Hubert H. Humphrey Metrodome a été aujourd'hui encore la scène d'un terrible crime. Selon nos sources, un assassinat aurait été commis dans le bloc 235, créant une vague de panique qui s'est répandue dans tout le stade. Les spectateurs des tribunes voisines se disent choqués. C'est l'affolement, le stade maudit fait de nouveau des...

J'éteins la télévision et laisse le silence envahir l'appartement. Ne s'en dégage que ma respiration qui se morcelle. L'eau coule encore sur mes mains, mes larmes s'échouent dans l'évier et je m'y accoude en tournant le robinet, le corps tremblant.

Douze morts, Angie, douze, entends-je encore dans ma tête. Je suis digne de toi ! Nous y sommes presque...

— Putain, juré-je doucement. Dégage de ma tête !

C'est toujours comme ça. J'ai un sérieux problème.

Je me rends dans le stade où elle me donne rendez-vous et chaque fois, le même schéma se répète. Un crime, une foule en panique, je me casse ni vu ni connu et craque une fois seul chez moi. Mon seul réconfort (aussi minime soit-il) est l'eau. Je prends une douche ou fais couler l'eau. Quand j'étais toujours marié, Ilène dormait et je soulageais ma frustration sur elle en la réveillant doucement. Là, je suis seul.

Il est désormais 23 h 40, je suis là depuis près de dix minutes. J'essuie mon visage avec une serviette et mets tous mes vêtements au sale. Je ne veux plus porter ça, je ne veux plus porter son odeur.

J'espère que le dîner chez Castillo se passe bien, que ma belle s'amuse, mais j'espère aussi qu'elle rentrera bientôt. Parce que j'ai besoin d'elle, mais aussi parce que j'ai peur de Zooey et de ce qu'elle pourrait trafiquer dans mon dos. Parce que je sais qu'elle mijote quelque chose, mais quoi ?

J'ai bien envie de débarquer chez elle et la contraindre à me dire honnêtement ce qu'elle magouille. Ce n'est pas par hasard que nous sommes voisins.

J'ai surpris dernièrement un de ses appels sur le balcon, bien avant que Noa n'arrive à Minneapolis. Elle parlait de N.A. sur un ton sacrément professionnel. J'ai tout de suite compris que ce n'était pas anodin et que ça avait forcément un rapport avec moi. Ça ne peut être que ça, Castillo n'est pas l'avocate qu'elle prétend être. Elle travaille peut-être dans un cabinet, mais je n'ai encore jamais vu quelqu'un régler une affaire avec elle. L'autre cabinet d'avocat, dans lequel je me suis rendu avec Ilène, ne connaissait visiblement pas le nom de Castillo. Je me suis entretenu avec notre avocate spécialisée dans le divorce pour avoir une piste, mais ça n'a rien donné.

J'ai alors compris qu'il fallait que je me méfie davantage d'elle. Je me méfie encore plus maintenant, sans compter la haine que je ressens depuis qu'elle a fouillé chez moi sans mon autorisation. Je me suis vengé de la pire des manières en la manipulant pour lui voler ce qu'elle avait de plus précieux, je le conçois, mais ça n'a pas dissipé ma colère pour autant.

N.A.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant