Chapitre 7

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Je déambule dans les rues, sans être sûre de savoir encore où j'habite. J'espère que mon instinct ne me fera pas défaut et qu'il me conduira chez moi sans problème.

J'ai tout perdu : Mes parents, mon meilleur ami, ma dignité, peut-être même ma maison. Et maintenant, mon frère. Niveau vie pourrie, on peut difficilement faire pire. Je suis un brouillon, une ratée, une erreur de la nature. Je ne sers à rien dans ce monde. Si, à violer la vie privée des gens. Ce n'est pas volontaire, je m'en passerais bien, mais c'est vraiment malsain je trouve.

D'ailleurs ce que j'entends en ce moment n'arrange pas les choses.

 « La pauvre »

 « Elle a certainement trop bu pour marcher comme ça »

« Ne pas croiser son regard, elle est peut-être dangereuse »

« Elle a l'air violente »

 Non, ça n'arrange vraiment rien.

Pourquoi a-t-il fallu que cela tombe sur moi ? Pourquoi c'est moi qui ai tout perdu ? Pourquoi c'est moi qui suis poursuivie par une tueuse en série ? Pourquoi c'est moi qui suis télépathe ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Répondez !

Mes larmes coulent encore une fois. Je suis faible, si faible.
Je hurle, à l'intention de toute personne pouvant entendre :

— Qu'est-ce que vous me voulez tous à la fin ?!

Je veux qu'ils sachent.

— Répondez bordel !!!

Qu'ils sachent que je souffre. Que je n'ai plus personne, moi. Je sais qu'ils n'en ont rien à faire de ce que je leur dis. Et puis de toute façon ils ne comprennent pas. Mais je m'en fous, royalement. Je veux qu'ils sachent, c'est tout ce que je demande. Pour la première fois de ma vie j'ai envie de compassion. Juste un peu. J'ai besoin qu'on s'aperçoive que je vais mal, j'ai envie qu'on s'intéresse à moi.
Mais il n'y a personne pour ça. Absolument personne.

Lorsque j'arrive devant ma maison, je ne suis plus vivante. Non, je suis une espèce de zombie. J'avance sans vouloir avancer, je n'ai plus aucun but, plus personne, plus rien.

Pourtant, il y a bien quelqu'un chez moi, une voix résonne dans ma tête. Je commence à paniquer puis me ressaisis. Non, ce n'est pas la femme. Mais alors...qui ?

Je contourne le bâtiment. Et c'est là que je le vois. Un garçon qui regarde à l'intérieur par la fenêtre. Il cherche quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Ma première pensée est pour Théo. Mais non, il n'est pas comme ça. Le garçon que j'ai devant moi est plus grand, plus musclé. Et il est brun...

Soudain ça fait tilt dans mon esprit.

— Esteban...

J'ai murmuré mais il m'a entendue et se retourne à une vitesse phénoménale.

— Mia ! s'exclame-t-il, à moitié soulagé.

A moitié car je le regarde avec des yeux de bête sauvage, prête à bondir. Parce que c'est ce que je suis devenue, une bête sauvage.

— Pourquoi es-tu ici ? C'est chez moi, alors tu vas me faire le plaisir de ficher le camp, assené-je.
— Je fais ce que je veux. Et ce n'est pas comme ça qu'on parle à Esteban Roye. C'est clair la demoiselle ?
— Je n'en ai strictement rien à foutre que tu t'appelles Esteban Roye ou Jean-Philippe Demoncul. C'est pareil. Alors épargne-moi tes grands discours. Maintenant tu me laisses. Ça, c'est clair ?
— Ne compte pas sur moi pour t'obéir, je n'ai pas d'ordre à recevoir. Tu vas devoir accepter ma présence, que ce soit ici ou à l'intérieur. Il me semble que la deuxième option est la meilleure, alors tu vas gentiment me laisser entrer chez toi.

Il ne partira pas, ça se voit clairement. Et puis dans son esprit je peux lire qu'il finit toujours par obtenir ce qu'il souhaite. Je ne gagnerai pas contre lui, pas cette fois. J'aimerais lui tenir tête, lui montrer de quoi je suis capable. Seulement, je ne me sens pas en état de résister.

— Ok c'est bon, entre.

Ma maison est sens dessus-dessous, je n'ai rien rangé depuis l'autre jour. Et moi j'ai l'air d'une clocharde, d'une fugitive, d'une sauvage. Ou les trois à la fois. Mais j'ai l'impression qu'il s'en fout. Il n'est pas venu pour se moquer de moi ou pour me juger.

— Pourquoi t'es pas venue en cours ?
— Comment tu le sais ?
— Je t'ai cherchée toute la journée. Et je ne t'ai pas vue.
— Je peux savoir pourquoi Monsieur me cherchait ?

J'ai parlé sèchement, mais j'avoue que l'idée qu'il m'ait recherchée me fait plaisir.

— À cause de ce matin...T'as déjà oublié que je t'ai vue et que tu t'es tirée ?

Je ne lui réponds pas. Pourquoi le devrais-je de toute façon ?

— Qu'est-ce que tu foutais ?

Je ne lui répondrai pas. S'il n'a pas compris que ça ne sert à rien d'insister, c'est qu'il est vraiment idiot.

— Tu peux me dire, tu sais...

Confirmation, il est stupide.

— Mia...

Il a pris une voix douce, pleine de compassion. Il a compris ce dont j'avais besoin, alors que je ne le connais même pas. Ça fait mal. Je ne peux rien lui dire, absolument rien. Je le regarde droit dans les yeux. Il soutient mon regard. Mais d'une manière douce, il ne cherche pas à me provoquer.

Une larme perle sur ma joue, puis deux. Il les essuie doucement, sans baisser le regard. Puis je me mets à pleurer. Ce n'est pas de la haine. Ni de la colère. Ni de la tristesse. Ce sont juste des larmes qui expriment ce que j'ai sur le cœur. Simplement, sincèrement.

Il ne dit rien. Il me sert juste contre lui. Malgré la boue. Malgré le sang. Malgré l'odeur. Malgré tout.

On reste là, sans un mot. Je lui en serai éternellement reconnaissante. Il m'a montré que même si j'en ai souvent l'impression, je ne suis jamais seule. Qu'il y aura toujours quelqu'un pour se soucier de moi.
On ne se connaît pas mais il est là, lui. En fin de compte, il n'est pas si méchant, peut-être même ai-je un nouvel ami ?

Il est parti. Je ne me souviens plus trop combien de temps il est resté. Longtemps il me semble.
Il a vraiment été adorable, pas du tout comme je l'imaginais. J'espère que c'est celle-là, sa vraie personnalité.

Par contreil y a quelque chose qui me perturbe. Je ne peux pas lire dans ses pensées. Du moins, pas tout, c'est comme s'il y avait une barrière. J'ai l'impression de ne pouvoir voir et entendre que ce qu'il "m'autorise" à voir. C'est étrange, je n'avais jamais été confrontée à un tel phénomène. Et Dieu sait combien j'aimerais savoir à quoi il pense, comment il est en vrai... Ah, les joies du surnaturel... Ça vous habitue à tout avoir, puis tout d'un coup, plus rien.

Je vais prendre un bain pour me détendre. Bon j'avoue qu'il faut aussi que je me lave un peu. Ou peut-être beaucoup...

Je sais, c'est tout.Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang