Nerveuse, Jiji écrasa sa clope pour mieux en sortir une deuxième. Si elle n'était pas assez douée pour ressentir autre chose que les courants d'air, elle percevait par contre le vent de panique qui s'était abattu sur les agents. Et elle n'aiment pas ça. Rien n'était plus mauvais d'un point de vue tactique que l'affolement. C'est pourquoi elle était heureuse d'avoir quelqu'un comme Sam, patient et rassurant, soit exactement l'inverse de ce qu'elle pouvait dégager.
Lorsque Cal s'éloigna en râlant, elle réprima un sourire goguenard. Il était bien le seul à ne pas être chamboulé par la situation.
- C'est ça boucle-la Cal. Va faire mumuse avec ta magie. Et trouve-moi l'enflure qui a fait ça.
Et sur ces paroles empreintes de sagesse, Judith se mit au travail. Avant tout, il fallait canaliser les agents. Elle n'était théoriquement pas plus gradée qu'eux et n'avait absolument aucune autorité sur leur personne. Mais son âge lui conférait une certaine position, et dans un tel cas, elle n'avait aucun scrupule à user - et abuser - du respect qu'on lui portait. Judith fit le tour de l'étage afin de donner chaque affectation et d'endiguer le bazar qui commençait à se propager. Elle débuta avec Caitlyn, s'appliquant à se montrer très ferme :
- Caitlyn, reste calme, Sam est sur le coup. On va avoir besoin de toi, maintenant. Tu te sens capable d'inspecter la scène de crime ?
Et Jiji reproduit exactement la même opération avec chacun, veillant à ne pas perdre de temps. Tous devaient être occupés avant de céder à la peur. Se focaliser sur une mission leur permettrait de rester un peu près calme. Mais Judith réalisa rapidement qu'un agent manquait à l'appel.
- Quelqu'un a vu Jérémiah ? Lança-t-elle à la cantonade.
Personne dans la pièce ne put lui répondre, et Judith songea qu'il devait se balader quelque part dans le bâtiment, quelque part entre les toilettes et les ascenseurs. Après tout, il était suffisamment grand et expérimenté pour se gérer lui même. Ce qui n'était pas le cas des autres médiums, d'une jeunesse affolante et de ce fait peu à même d'appréhender un meurtre aussi barbare que celui qui venait de se produire. Judith elle-même se sentait retournée. Malgré les airs détachés qu'elle se donnait, elle n'arrivait pas à prendre du recul par rapport à une vision aussi atroce que celle d'un cadavre.
En attendant que Yuliya et Bae la rejoigne, Judith entreprit de rechercher l'identité précise et détaillée de la victime. Il fallait bien commencer par un bout. Pour ce faire, elle réquisitionna un grand tableau de liège, sur lequel elle épingla les documents qui lui semblaient essentiels. Très vite, la vie entière de l'homme commença à se profiler devant ses yeux. Et Judith alluma une troisième cigarette.
