Les piques semblaient rebondir sur lui sans même qu'il ne les sente. À force de se chamailler avec la blonde qui s'improvisait secrétaire, le jeune homme avait appris à ne plus les prendre à coeur. Ainsi sa remarque sur ses habits ne le fit que jeter un regard de biais sur le tailleur que portait Judith, l'air de dire "tu veux qu'on en parle ?".
Si son humeur restait assez changeante, maintenant qu'il avait son calmant pour plusieurs heures, Cal avait surtout l'air d'un jeune homme un peu lunatique et qui aurait encore quelque résidus de l'âge ingrat. Il n'était plus aussi à vif que d'habitude et aurait même pu être agréable si le médicament pouvait lui faire mâcher un peu ses mots.
Assez surpris que Jiji accède à sa requête, il la suivit avec un brin de méfiance. Autant le dire tout de suite, il supportait sa présence et même parfois appréciait entendre ''sa voix niquée par le tabac'' comme il avait écrit dans son carnet, car elle était signe de choses divertissantes à apprendre. De nouveaux jurons, des insultes, les marques de cigarettes et d'alcool, qui était élu abrutis de la semaine par la colérique pseudo secrétaire... Tout ceci non seulement le faisait rire mais était aussi une source inépuisable de renseignement sur l'extérieur. Sans même s'être aventuré dans un bar ou un tabac, il savait parfaitement ce qu'était des blondes, des brunes, les marques, les prix. Dans sa tête, chaque nom d'alcool allait de paire avec son goûts et son degrés d'alcoolisation. Sans vraiment s'en rendre compte, Judith apaisait la soif d'extérieur de Cal et c'est pour cela qu'il pouvait rechercher sa compagnie parfois. Néanmoins, le jeune homme n'avait jamais toléré qu'elle le touche et si par malheur elle venait à le frôler, il se dérobait comme avec n'importe quelle autre personne hors Sam qui avait mis beaucoup de temps à se faire accepter.
C'est aussi en parti pour cela qu'il était vraiment furieux contre Bae, elle n'avait pas respecté l'espace vital dont il avait besoin pour se sentir bien lorsqu'elle l'avait prit sur son épaule. Il l'avait pleinement vécu comme une intrusion et son sentiment d'impuissance l'avait mis hors de lui.
En emboîtant le pas à Judith, ils croisèrent plusieurs personnes dont une femme qui le regarda et vint même à lui sourire. Cela le perturba, que voulait cette idiote ?
Cal n'avait aucune notion de beauté quand elle sortait de l'art et de la nature. Alors ceci combiné à son dégoût profond pour l'humain ne lui permettait même pas de songer un instant qu'un humain puisse être beau. Pourtant sa mère l'était, Judith et Sam également mais il était incapable d'émettre cette idée. L'humain était humain et l'adjectif beau ne pourrait jamais lui convenir aussi bien que le mot pourriture.
Mais d'un point de vue extérieur, oui, Aïden était beau. Le jeune homme était d'une beauté non classique certes mais magnétique et assez douce quand il ne s'amusait pas à déformer son visage de grimaces ou de rictus moqueurs. Il était grand et mince, cachant plutôt bien sa force. Assez maladroit dans le fond avec ses grandes jambes affublées d'un pantalon à pinces assez serré.
Sans bruit, il entra dans le bureau de Judith et s'assit à même la moquette. Battant vaguement la mesure de ses doigts fins sur le sol, il dit avec sarcasme :
- Non merci Jennings, vu l'état de ton tiroir je ne suis pas assuré de tomber que sur des sucreries.
Ses voix lui avaient déjà suggérés qu'elle pouvait avoir consommé des produits illicites auparavant alors il se plaisait à la taquiner sur le sujet. Mais ces jours ci, son esprit était surtout porté sur l'extérieur, il en rêvait et ses voix l'incitaient à s'enfuir. Néanmoins il attendait de pouvoir le faire en respectant les règles car cela était tout dans son intérêt. Si ils lui faisaient confiance pour le faire sortir une fois et que tout se passait bien, alors il pourrait réitérer l'expérience.
- Dis Judith, quand je pourrai sortir de cette prison, tu m'emmèneras au diner ?
Le fait qu'il l'appelle Judith et non Jiji traduisait une demande sérieuse et assez touchante dans le fond quand on savait qu'il n'y était jamais allé.
