Chapitre 18

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« Sedna Lestar?

- Oui, je suis là! »

Madame Fersteg continue d'énumérer les noms de la liste. Elle quitte l'autobus lorsque cela est fait et nous laisse à notre propre sort. Au lieu de tenter de m'endormir tout de suite, je préfère regarder par la fenêtre qui se trouve à ma droite. Mes deux amies sont dans la cour et lèvent chacune un bras en signe d'adieu. Des départs. Toujours des départs. Tout comme la dernière fois, je quitte des gens qui me sont chers afin de partir vers l'inconnu. Est-ce pour le mieux? Je ne sais pas. Seul l'avenir nous le dira.

J'observe par la fenêtre les arbres qui défilent à perte de vue. Je m'ennuie. Je n'ai rien de mieux à faire étant donné que je ne souhaite pas parler avec d'autres personnes. Le temps ne passe pas aussi rapidement que prévu et j'en viens à me demander depuis combien d'heures je suis partie de l'hôpital. Une heure, deux heures, trois heures? Il va bien falloir que nous fassions au moins un arrêt afin de nous dégourdir les jambes. Le chauffeur a dit que Frelser est à environ six heures de route de Vertis.

On dirait que ce dernier vient de lire dans mes pensées; l'autobus ralentit et s'arrête finalement à une aire de repos. Vingt minutes de pause et nous voici de nouveau en route. Je commence à être impatiente; plusieurs femmes à côté de moi n'ont rien de mieux à faire que de raconter des ragots ou encore de se plaindre qu'elles s'éloignent de leurs proches. Est-ce que je souhaite revoir Féliks, ma famille et mes amies? Oui. Est-ce que je me plains? Non. Il devrait en être de même avec elles.

L'autobus s'arrête définitivement au moment même où je commence à devenir folle. Je me lève rapidement afin de m'éloigner du vacarme qui règne autour de moi depuis trop longtemps. Mes premiers pas à l'extérieur de l'autobus me révèlent, sans grande surprise, un camp militaire. Des soldats sont là pour nous souhaiter la bienvenue. Certains sifflent à notre passage, d'autres non. On nous dirige vers un bâtiment en briques rouges afin de nous accueillir de manière plus officielle. Nous ne sommes, au total, qu'une dizaine d'infirmières provenant de l'Hôpital général de Vertis. L'infirmière en chef et le plus haut gradé de l'endroit sont là pour nous fournir plus d'explications :

« Bienvenue, mesdemoiselles, dans le 3e bataillon d'infanterie, partie intégrante du 272e régiment d'infanterie. Je suis le lieutenant-colonel Léo Mijor et voici Madame Tuffan. Elle est ici pour vous expliquer vos fonctions et vous montrer certaines parties du camp.

- Merci de la présentation. Étant donné que je suis l'infirmière en chef, c'est à moi que vous devrez vous adresser si jamais vous avez des questions. Veuillez maintenant me suivre. »

Alors qu'elle marche lentement à travers le camp, je prends la peine d'observer les alentours. Des tentes vertes sont installées aléatoirement sur un terrain plat où le gazon est presque inexistant. Au lieu de cela, c'est plutôt de la terre brune qui prend place sous mes souliers. Encore une fois, j'entends des sifflements et des murmures à quelques mètres de moi. J'espère que cela ne va pas devenir une habitude.

Nous arrivons à un autre bâtiment; celui-ci a l'air d'être en très mauvais état et j'ai le sentiment qu'il va s'écrouler d'un moment à un autre. Cela ne semble pas préoccuper Madame Tuffan, car elle commence déjà la visite des lieux :

« Voici notre hôpital; c'est un ancien asile qui a été réaménagé afin de soigner les soldats qui ont été blessés aux premières lignes de défense. Malheureusement, il n'y a pas assez de lits pour chacun d'entre eux et nous avons donc de nombreux lits placés dans des tentes à l'extérieur. Avez-vous des questions? »

Une femme lève sa main :

« Que doit-on faire des blessés s'il fait très froid durant la nuit?

- Les soldats placés à l'extérieur de l'hôpital n'ont que des blessures mineures. Ils peuvent eux aussi endurer une baisse de la température. Vous n'aurez qu'à leur rajouter des couvertures s'ils se plaignent. »

Madame Tuffan se dirige ensuite vers une autre partie du camp. Notre « maison », comme elle aime si bien le dire. C'est un regroupement de plusieurs tentes placées en forme de cercle. Des infirmières sortent de ces dernières afin de connaître les nouvelles arrivantes.

Quelle n'est pas ma surprise de reconnaître un visage parmi ces gens! Je ne pensais jamais revoir Sibarae de mes propres yeux, du moins jusqu'à la fin de la guerre.

« Sibarae!

- Sedna, que fais-tu ici?

- C'est plutôt moi qui devrais te poser la question. Je croyais que c'était ton frère qui avait été choisi pour partir à la guerre.

- Oui, c'est ce qui est arrivé. Il y a toutefois eu un imprévu; trois semaines après ton départ, les soldats sont revenus au village et ont demandé s'il y avait d'autres volontaires. J'ai accepté de m'engager parce qu'il y avait un manque d'infirmières à plusieurs endroits.

- Et ta formation?

- Je ne sais pas si une semaine de démonstrations techniques compte comme étant une formation. Après cela, j'ai été laissée à moi-même. J'ai regardé les autres infirmières agir et j'ai ensuite commencé à les imiter. Une infirmière expérimentée a eu pitié de moi et a décidé de me montrer comment bien faire mon travail. »

Je lui explique ensuite ce qui s'est passé à Vertis depuis que je suis partie de notre village. La seule chose qui l'intéresse est ma rencontre avec Féliks :

« Est-ce que tu lui as laissé le nom de notre village?

- Je ne crois pas qu'il sache où se situe Sipars...

- Il aurait pu le demander à quelqu'un.»

Elle me pose de plus en plus de questions par rapport à lui :

« Cheveux blonds, yeux verts... J'espère que vous vous êtes au moins embrassés une fois!

- Euhhh...

- Oui, je le savais!

- Il était un peu arrogant, mais il commence déjà à me manquer. »

Sibarae m'entraîne vers la tente où elle dort. Celle-ci est presque vide et je décide de m'approprier une des places restantes.Sans perdre de temps, mon amie me demande de m'asseoir à côté d'elle. J'ai l'impression que notre discussion concernant Féliks est loin d'être terminée.






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Comme vous pouvez le constater, le rythme de ce livre est lent. Ce n'est pas un livre où toutes les actions se succèdent rapidement, ce qui est le cas de certains livres sur Wattpad. C'est plutôt un long voyage, une aventure, où il y a une alternance entre les moments d'action et ceux de quiétude. Certains personnages reviendront dans l'histoire et d'autres non. Toutefois, le meilleur de l'action est à venir. Pour le moment, c'est le calme avant la tempête :)

*** Le nom « Léo Mijor » m'a été inspiré d'une vraie personne, soit le caporal Léo Major. Disons seulement que Rambo n'est rien comparé à lui... ***

Sedna [en pause]Where stories live. Discover now