Chapitre 5

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C'est maintenant le moment tant attendu. Je m'approche du soldat sans nom et celui-ci me tend une enveloppe cachetée. Après l'avoir remercié, je ferme la porte et me précipite aussitôt vers la table, mes parents ne s'étant pas levés pendant toute la durée de la scène. Je m'assieds face à eux et, les mains tremblantes, tâche d'ouvrir l'enveloppe. Je remarque aussitôt que la lettre est tapée à la machine:

Bonjour mademoiselle Lestar,

C'est avec grand plaisir que nous vous informons par la présente que vous serez assignée au poste d'infirmière. Après la réception de cette lettre, vous devrez aller confirmer votre inscription à votre centre communautaire le plus proche dès le lendemain matin. Là-bas, vous recevrez de nouvelles instructions quant à votre cheminement futur.

Je vous prie d'agréer, mademoiselle, mes salutations distinguées

Joahna Filster

Présidente de Latoska

Une fois la lecture terminée, je regarde Ygrid droit dans les yeux. Aucune émotion n'apparaît sur son pâle visage et ce n'est qu'après une minute ou deux qu'elle daigne enfin ouvrir la bouche:

«Au moins, tu n'auras pas à utiliser une arme...

-Je ne sais même pas faire des points de suture, encore moins soigner quelqu'un plus gravement blessé!

-Ça s'apprend vite, tu vas voir!»

Il n'en faut pas plus pour que j'aille dans ma chambre. Me coucher immédiatement me permet d'oublier momentanément les événements de la journée et de faire le vide dans ma tête.

Je vois des papillons, volant dans le ciel et se dirigeant vers une clairière, où de nombreux glaïeuls rouges et blancs sont éparpillés ici et là. Au fur et à mesure que le papillon s'approche des plantes, on peut constater que tous les glaïeuls sont blancs et qu'ils ont plutôt de grosses taches sombres, qui s'avèrent être finalement du sang. À côté de l'un d'entre eux se trouve le corps inanimé d'un jeune soldat.

Ce n'est que lorsque je vois son visage en très gros plan que je me réveille en sursaut. De la sueur me perle sur le front et ma respiration est saccadée. Je ne sais pas du tout d'où me provient ce rêve, car je n'en ai habituellement pas le moindre souvenir. C'est sûrement parce que, dernièrement, je pense beaucoup trop à la guerre et à mon implication dans un temps rapproché.

Toujours est-il que je me lève assez rapidement de mon lit et observe l'heure affichée sur mon réveil-matin. Six heures. Pas trop tôt, mais assez pour ne pas aller manger immédiatement. Prendre une douche froide s'avère être la solution la plus revigorante qui me vient à l'esprit.

Une fois que ceci est chose faite, l'heure est suffisamment avancée afin que j'aille à la cuisine me préparer un bol de céréales. En l'espace de deux temps trois mouvements, la vaisselle est déjà dans l'évier et je suis en train de me changer de vêtements.

De retour à la cuisine, j'aperçois Gafael qui lit le journal local: 

«Bon matin! Est-ce que tu vas tout de suite au centre communautaire?

-Oui, je préfère me mettre en règle le plus tôt possible afin de profiter de ma journée.

-Dans ce cas, j'espère que tout ira pour le mieux.»

Après avoir franchi le seuil de la porte, je me dirige directement vers l'endroit indiqué. Là-bas, je découvre que je ne suis pas seule; à l'intérieur du bâtiment se trouvent des dizaines de personnes se dirigeant vers certains endroits en particulier. La place est divisée en trois parties, soit celle des soldats, des infirmières et des auxiliaires. Les groupes m'ont l'air d'être divisés de façon égale et je vais tout de suite vers celui qui m'est destiné. Je ne crois pas qu'Etha et Sibarae soient ici. Je n'aurai qu'à leur rendre visite au courant de la journée.

Le processus d'identification est relativement similaire à la dernière fois et je dois de nouveau donner mes informations personnelles. Toutefois, après cette étape, je reçois de nouvelles directives. Dans trois jours, toutes les recrues du village appartenant à cette catégorie devront se présenter à l'entrée du centre et monteront dans un autobus en direction de l'hôpital de Vertis, un centre urbain. Nous recevrons une formation en premiers soins afin de venir en aide aux soldats blessés.

Étant donné que je n'ai rien d'autre à faire de ma journée, je sors rapidement de la bâtisse après avoir recueilli toutes les informations qui m'étaient pertinentes. La maison de Sibarae n'est pas très loin et je n'ai besoin que de faire une brève marche de cinq minutes. Avant même de frapper à la porte, celle-ci s'ouvre et mon amie se précipite dans mes bras:

«Sedna, j'étais tellement inquiète pour toi! Pourquoi n'es-tu pas venue plus tôt?

-J'avais besoin d'un moment à moi toute seule. Je suis allée aux chutes et ça m'a fait du bien.

-Combien de jours avons-nous avant que tu partes? Nous avons beaucoup de choses à faire d'ici là! Nous devrions aller voir Etha afin de passer le plus de temps possible en ta compagnie.

-Il ne me reste que trois jours.

-Alors, ne perdons pas de précieuses secondes et profitons-en.»

Il n'en faut pas plus pour que je la suive vers notre destination finale. La famille d'Etha, des agriculteurs, possède une maison transmise de génération en génération située en périphérie de notre village. Elle pratique la culture du maïs, du blé et de différentes baies. Durant le temps des récoltes, nous allons dans les champs et nous amusons à nous perdre pendant des heures.

Sibarae et moi sommes maintenant devant la maison au toit vert. Son revêtement en vinyle de couleur blanche ajoute un certain charme à l'habitation. C'est la mère d'Etha qui nous accueille à l'entrée de cette dernière et qui nous indique le lieu où se situe notre amie. Nous allons jusqu'à la basse-cour, où se promènent quelques poules et lapins. Etha, comme à son habitude, lance vers le sol une poignée de grains afin de nourrir les animaux présents. Elle se tourne la tête dès que le bruit de nos pas parvient à ses oreilles. Sans plus tarder, elle vient à nous:

«Je ne pensais pas que vous viendriez me voir! Sedna, il faut absolument que tu me racontes ce qui s'est passé depuis notre dernière journée d'école.

-Elle ne m'a rien raconté non plus. Elle préférait attendre que nous soyons toutes les trois réunies.»

Nous nous dirigeons vers un endroit plus éloigné de la maison, là où débute le champ de blé. Chacune d'entre nous s'assied au sol en prenant soin de ne pas se salir. Après un bref moment de silence, je commence à décrire tout ce qui m'est arrivé au courant des derniers jours. Etha et Sibarae n'osent pas m'interrompre pendant toute la durée du récit, sauf la fois où Sibarae ne peut retenir son exclamation:

«Tu vas être infirmière!»

Suite à cela, il est déjà temps pour moi de rentrer à la maison. Je prends aussitôt congé de mes amies et va manger en compagnie d'Ygrid et de Gafael. Ensuite, je monte dans ma chambre et me mets à lire un roman. Lorsque mes yeux commencent à se fermer d'eux-mêmes, je pose ma tête sur l'oreiller et me laisse emporter jusqu'au pays des rêves.



***Je suis désolée si cela m'a pris du temps avant de publier ce chapitre. Je suis en pleine rentrée scolaire et je n'ai pas eu beaucoup de temps à consacrer à ce livre. Je veux quand même que mes chapitres soient assez longs.***

Je n'ai pas pu m'empêcher de faire une référence à l'un de mes poèmes préférés... Saurez-vous lequel ? :)


Sedna [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant