II-2 : Le dernier Titan

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Galaniel se redressa. La salle n'avait conservé aucune trace de l'affrontement. Seuls ses membres endoloris le lui rappelaient avec insistance. Il ramassa son épée jetée au loin. L'arme ne semblait pas avoir souffert des contraintes auxquelles il venait de la soumettre.

Alors qu'il la rangeait dans son fourreau, il se rendit compte qu'une des portes de la salle s'était ouverte. Une faible lueur dorée émanait de l'ouverture, vers laquelle Galaniel se dirigea. Celui ou ceux qui devaient l'inciter à y pénétrer ne devaient de toute façon pas lui vouloir de mal. Le combat contre le Titan lui avait d'ailleurs bien montré à quel point il était en leur pouvoir. Cette idée ne l'enchantait guère, mais il préférait de loin cette présence mystérieuse aux Généraux d'Oriale.

Galaniel se trouvait désormais en face de la porte. Une membrane translucide semblait recouvrir l'ouverture, ce qui empêchait de discerner les formes de l'autre côté. Il jeta un regard en arrière. Le Titan avait repris son rôle de statue immobile, et semblait peu disposé à donner plus d'informations. Il s'agissait de toute façon de la seule sortie ; Galaniel s'engagea à travers.

Le passage lui fit l'effet d'une gelée froide et désagréable. Il préféra fermer les yeux alors que la texture répugnante épousait le contour de son visage. Il ne se décida à les rouvrir qu'après avoir achevé sa traversée. Derrière lui, la gangue se résorba dans un bruit de succion abject.

Il marchait sur un sol ferme, noir et rocailleux. Il se retourna. Il n'y avait plus la moindre trace de la porte qui l'avait conduit ici. Seuls des cailloux sombres s'étendaient à perte de vue.

La lueur qu'il avait entrevue provenait de toutes parts, et marquait l'horizon de sa ligne dorée. Il décida d'avancer dans une direction prise au hasard. Sans doute finirait-il par trouver quelque chose.

Lune d'Oriale, Epithaï, plusieurs heures après la mort du Général Chef

Le Commandant traversa les couloirs sombres du palais endeuillé. L'annonce de la mort du Général Chef l'y avait précédée, jetant la nation entière dans le désarroi. Lui-même ne parvenait pas à y croire, et pourtant il n'avait pu que la constater de ses propres yeux.

Contrairement aux autres Généraux, il n'avait pas vu le visage du meurtrier. Cependant, il avait déjà réuni tous les détails de l'événement avant de revenir à la capitale.

Sméarn Pteï possédait un objet d'importance dont il ne se séparait jamais. Le Commandant avait eu beau chercher, il avait cependant été incapable de le retrouver sur le corps du Général défunt. En revanche, il avait trouvé contre toute attente un objet identique sur le corps du leader ennemi, Zawhyk Espan. Il posa la main sur la boîte dissimulée sous sa cape noire. Il avait résisté à l'attrait mental de la Pierre, dont l'avait mis en garde le Général Chef. Désormais, ce serait à son héritier de décider ce qu'il conviendrait d'en faire.

Toutefois, le Commandant se doutait déjà de la réponse. Zagnar Pteï s'apprêtait désormais à succéder à son père sur le trône de Kalendor. Accéder au titre de Général Chef serait toutefois d'un tout autre ordre de difficulté. Les autres Généraux ne cachaient pas leurs ambitions et faisaient planer la menace d'un nouveau conflit armé.

La Pierre aurait pu permettre à Zagnar d'obtenir des pouvoirs similaires à ceux de son père. Néanmoins, le nouveau Général ne pouvait pas se permettre de quitter Kalendor à un instant aussi critique. La question de devenir ou non un Itinérant ne pourrait donc se poser qu'après, lorsqu'il serait devenu le nouveau Général Chef.

***

Galaniel était arrivé à la source de la lumière dorée, un océan calme qui rayonnait face à lui.

Le trajet pour atteindre la berge ne lui avait pris que peu de temps. L'horizon s'était révélé beaucoup plus proche qu'escompté.

Il se demanda ce qu'il était maintenant censé faire. Il n'apercevait aucun moyen de traverser cette étendue dorée qui semblait s'étendre à l'infini. La perspective de rester cloîtré sur une île vide et déserte l'enchantait encore moins. Il leva la tête. Le ciel, s'il y en avait un, était sombre et sans étoiles. La seule source d'éclairage provenait du liquide sirupeux qui s'étendait en face de lui.

La substance de ce dernier lui était d'ailleurs inconnue. Transparent sur la berge, il s'obscurcissait avec la profondeur jusqu'à devenir opaque. Sa surface restait quant à elle lisse et immobile.

Galaniel s'en approcha, méfiant. Pour l'instant, il préférait éviter tout contact, même s'il restait animé par une certaine curiosité.

Une sorte de tentacule gigantesque en surgit sans prévenir. Galaniel recula d'un bond, mais ne fut pas assez rapide. La masse sirupeuse l'enserra avant même qu'il n'ait le temps de porter la main à son arme.

Il fut soulevé de terre tel un fétu de paille et tournoya impuissant au-dessus de l'océan doré. La surface jusqu'ici paisible entrait en ébullition. De nouvelles protubérances surgirent, semblables à des tentacules.

Galaniel parvint néanmoins à libérer sa main droite et son épée au prix de contorsions désespérées. Il frappa ce qu'il croyait être un monstre titanesque pour tenter de se libérer de son étreinte.

L'acier traversa le tentacule sans même l'incommoder, comme il l'aurait fait pour de l'eau. Alors qu'il était entraîné vers le bas, Galaniel comprit qu'il ne s'agissait pas de tentacules. Les protubérances avaient la même couleur, la même texture que le reste de l'océan. Elles en faisaient partie intégrante.

Galaniel traversa la surface. Il eut la désagréable sensation que le fluide le traversait comme s'il était lui-même immatériel. Il ne pouvait plus respirer et se débattit pour échapper à la suffocation. En vain. Il continua de sombrer à travers les abîmes, sans espoir de retour.

La Prophétie du VoyageurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant