Une histoire de casseroles (Esther) réécrit

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-Esther voyons je te parles! Ce que je dis ne t'intéresse donc pas à ce point?

Ma sœur Aria commençait à perdre patience et sincèrement, je pouvais la comprendre. Cela doit être insupportable de parler à quelqu'un qui n'a d'yeux que pour un livre. Je tends à ma sœur le livre d'Isaiah.

-Gardes-le, le temps que l'on finisse notre conversation. Ça te va?

Aria prit mon bouquin et le déposa près d'elle, en m'adressant un léger sourire de satisfaction. Puis elle se mit à me parler pendant au moins une heure de ce qu'elle ferait si elle pouvait sortir, si nous n'étions plus vu comme des bêtes noires. Pouvait-elle réellement être aussi naïve? Pouvait-elle sincèrement parler du jour où nous sortirons, en pensant que chacun de nous allez retourner à ses activités comme si de rien n'était.

Est-il donc possible de croire autant à la vie, ou du moins de vouloir y croire au point d'être aveuglé par cet espoir. J'admirais ma sœur pour son optimisme constant, mais par moment cela avait le don de m'agacer.

Néanmoins, je souris de ses histoires, essayant de paraître le plus en accord avec ses souhaits. Aria avait déjà beaucoup de mal avec cette situation, je ne pouvais pas en rajouter plus avec mon éternel pessimisme.

Nous débattions de la nature de l'étoffe qui irait le mieux à Aria lorsque Isaiah fit son apparence, dans l'embrasure de la porte. Il me regarda, se tourna vers Aria puis nous dit:

-Euh, votre mère m'a demandé de vous prévenir qu'elle aurait besoin de votre aide.

Aria se leva, balaya d'un revers de la main sa jupe, comme pour en retirer des poussières puis se tourna vers Isaiah.

-Merci de nous avoir prévenu.

Elle lui adressa un large sourire, qui m'arracha un petit rire puis sortit de notre chambre.Isaiah quant à lui entra dans la pièce et retourna le bouquin posé sur le lit de ma sœur.

-Il te plait?

-Pardon?

Il s'assit devant moi, sur le lit et m'indiqua par un geste de la tête le roman.

-Oh euh, eh bien disons que je ne m'attendais pas à ce que vos goûts littéraires soient à la hauteur des miens certes, mais c'est une bonne œuvre.

Il me grimace puis sortit de la chambre, en même temps que moi.

Il se rendit dans la chambre de ses parents, tandis que moi, je rejoignis ma mère et ma soeur.

Là, il y avait un bazar pas possible. On aurait dit qu'une tempête était passée par là. Il y avait des marmites partout au sol, ainsi que toutes les courses que monsieur Markus avait apporté avec ses fils.

-Mais qu'est ce qu'il se passe ici? Mère!

Ma mère leva les yeux vers moi et me dit de me rapprocher d'un geste de la main. Là, elle me donna une pile de casseroles à faire monter.

-Nous n'en n'avons pas besoin pour l'instant, et elles encombrent la pièce. Voudriez-vous bien les emmener au grenier?

-Il faut dire qu'elles ne sont d'aucune utilité ici. Ce n'est pas comme si nous avions le choix dans ce que nous cuisinons. Une simple marmite suffit, dit madame Sarah en arrêtant pendant quelques instants ce qu'elle faisait afin d'essuyer la transpiration qui perlait à son front.

Madame Sarah n'est pas ce que l'on peut appeler une personne agréable à vivre. Je ne nie pas être d'un grand ennui la majorité du temps, mais j'essaie de garder au maximum ce que je pense pour moi. Madame Sarah quant à elle, n'hésite pas à faire des remarques à chacun de nous, y compris son mari et son fils. Elle fera toujours remarquer que nous avons un bouton sur le front, ou qu'il en manque un sur nos gilets. Les boutons sont ce qu'elle préfère. Chaque fois qu'elle peut faire une remarque sur un bouton, elle la fait.

Je pris dans mes mains les casseroles que me tendait ma mère, et me dirigea vers la porte du grenier. Où diable pouvait-elle penser que je pourrais placer ses casseroles? Il n'y avait aucune place dans ce grenier. Si nous rajoutons quoi que ce soit sur ces énormes piles de babioles, il est possible que tout s'écroule. Je refuse de tout me prendre en pleine tête et de prendre le risque d'être découverte. Si quelque chose ne se passe pas comme prévu, c'est la vie de tous ceux qui vivent ici, ainsi que celles de monsieur Markus et de ses fils que nous mettrons en danger. Je refuse d'être à l'origine d'un tel désastre.

Je descendis les marches par lesquelles je venais d'arriver quelques minutes auparavant puis retournai dans la pièce commune.

-Je ne pourrai pas leur trouver de place là-haut. Le grenier est bien trop encombré, cela pourrait causer la chute de nombreux objets.

Ma mère à qui je venais de tendre les casseroles me fixait me regardait l'air complètement ailleurs.

-Eh bien très chère, vous n'avez qu'à les déposer sur votre tabouret chéri. Vous n'êtes pas obligé d'aller là-haut pour lire ou vaquer à je ne sais quelle autre activité.

C'était Madame Sarah qui venait de parler. Cette dame avait le don de m'exaspérer.

-Eh bien, ma très chère dame, si cela vous tient tant à cœur, vous pourrez placer ces casseroles dans le dernier tiroir de votre commode. Que je sache, c'est vous qui désirez les cacher. Pourquoi priverez vous Esther de ce charmant petit refuge qu'elle s'est construit.

Monsieur Gunther était celui qui avait pris ma défense. Madame Sarah arrache les casseroles des bras de ma mère et se rua vers le couloir. Monsieur Gunther gloussa et m'adressa un clin d'œil, puis il retourna à ses activités, comme si de rien n'était.

Aria, quant à elle devient toute rouge, gênée par la situation.

Lorsque madame Sarah nous rejoint à nouveau, mère me fit signe de quitter la pièce. Si j'avais su, j'aurais fait en sorte d'agacer cette dame il y a bien longtemps.

1943 (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant