Prologue ( réécrit)

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Debout, devant la bassine qui leur servait de point d'eau, la jeune fille examiner le reflet qu'elle voyait dans le miroir. Son reflet. Elle avait prit l'habitude d'éviter tout contact avec la glace, ce qui justifie la surprise qu'elle ressent chaque fois que, par mégarde, ses yeux se posaient sur le petit carré à la surface lisse. Certains pourront dire que ça n'a pas de sens, mais ne pas se voir lui permettait de survivre. Ne pas voir ses joues, autrefois pleines et roses, se creuser un peu plus chaque jour, laissant place à une mâchoire prononcée. Ne pas voir ses yeux, autrefois lumineux et pleins de de joie, devenir plus ternes et plus triste chaque soir. Ces yeux qui, a une époque pas si lointaine, étaient d'un beau brun noisette, ces yeux innocents, reflétant la joie de vivre et le bonheur. Mais ces yeux là ne sont plus qu'un lointain souvenir, maintenant que le noisette s'assombrit, que l'innocence céda sa place à l'impureté et à la noirceur du savoir, que la joie de vivre disparut de ses pupilles, au profit d'une morosité constante, que le bonheur se transforme en tristesse. Même ses cheveux, autrefois souples et brillants étaient à présent rêche et fade.

Elle avait toujours du mal à se trouver belle. Et le peu d'éléments qu'elle trouvait à son goût disparaissaient un peu plus chaque jour.

Sa sœur venait de faire coulisser le bout de tissu qui faisait office de rideau, et qui avait pour but de laisser un peu d'intimité, la sortant de ses pensées. Elle souffla d'exaspération en voyant sa cadette inactive devant la glace, tenant une mèche de cheveux du bout des doigts, et referma l'étoffe d'un geste sec.

Esther s'empara d'un ruban noir poser près de la bassine et attacha ses cheveux avec.

Esther. Son prénom signifie « caché » en hébreux, et « étoile » en perse. Une étoile qui meurt à petit feu. Dans le récit de Pourim, Esther sauve les juifs, victimes d'une tentative de génocide. Cela pourrait presque être ironique lorsqu'on voit qu'aujourd'hui, Esther n'est plus une héroïne dont la mission est de sauver , mais plutôt qu'elle a pris place au côté des victimes. Que la tentative de génocide devint un génocide, simplement. C'est impressionnant de voir comme l'histoire se répète à quelques détails près car cette fois-ci, aucune Esther ou quelconque autre personne ne daigne montrer de l'intérêt à la situation actuelle, de vive voix. Les gens ont peur.

Nous sommes actuellement en Janvier 1943, à Berlin, capitale du troisième Reich. Adolf Hitler est le chancelier, le führer, dont la mission est de guider. Esther et sa famille, composé de sa sœur Aria et de ses parents Jacob et Leah, vivent avec cinq autres personnes, le couple juif Benjamin et Sarah ainsi que leur fils Isaiah, qui a deux ans de plus que Esther, ainsi que Willem et Gunther, un couple d'homosexuels. Tout ces gens trouvèrent abris grâce à Markus, un veuf sexagénaire, qui les abrite chez lui, ou du moins son ancien domicile, du temps ou sa femme étaient encore vivante. Ils vivaient dans une sorte de petit appartement caché grâce au garde-manger de la cuisine. L'endroit possédait une vaste pièce où l'on cuisinait, mangeait, s'asseyait tous ensemble et où Isaiah, Willem et Gunther dormaient le soir. Il y avait ensuite un petit couloir qui donnait sur trois portes, la chambre des filles, et celles des deux couples mariés. Le point d'eau était situé dans un coin de mur, là où personne ne venait s'asseoir en attendant que le temps passe. Markus, c'était un peu leur Esther, leur sauveur, la lueur d'espoir, la lumière au fond du tunnel.

Aria, sa sœur, fit de nouveau coulisser le rideau fleuri, et resta debout, à regarder sa cadette avec insistance, jusqu'à ce que cette dernière sorte, lui cédant sa place.

La vie n'était pas simple, surtout quand le changement de milieu était aussi brusque. Mais personne ne pouvait se plaindre, car que ce soit Willem et Gunther, Benjamin, Sarah et Isaiah ou Esther, Aria, Jacob et Leah, ils étaient ensembles.

Beaucoup n'avaient pas eu cette chance.

1943 (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant