L'antiquaire

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Teija quitta Naola en la serrant dans ses bras et en lui souhaitant bon courage. Elle lui avait fait promettre de la contacter si jamais elle avait un problème et de la tenir au courant de comment elle se débrouillait. Quelque part, l'adolescente était rassurée d'être soutenue par son amie, bien qu'elle se sentît un peu coupable de l'embarquer dans ses problèmes et de l'inquiéter autant.

Dix-huit heures approchaient lorsque Naola put enfin prendre la direction des faubourgs. Elle n'aurait probablement pas l'occasion de postuler où que ce soit à cette heure-ci, mais elle pouvait au moins commencer son repérage.

Il ne lui fallut qu'une dizaine de minutes pour quitter le couvert des Halles Basses. Elle s'arrêta dans un petit square pour boire une gorgée d'eau. Quelques arbres-à-pattes se disputaient la meilleure exposition aux rayons d'été. Les feuillus trottinaient dans la poussière, et se chamaillaient à coup de racines. Leurs ramures, semblables à des lianes, fouettaient l'air pour intimider l'adversaire. Le branchu qui se montrait le plus bruyant posait sa souche en plein soleil et gagnait le droit d'y dorer la chlorophylle... jusqu'à la prochaine incartade.

Naola marcha au hasard un long moment. Le jour commençait à peine à décliner et la nuit ne serait pas là avant plusieurs heures. Il y avait peu d'activité et peu de boutiques dans les rues qu'elle traversait. Tout se centralisait dans les Halles, le reste de la ville étant majoritairement résidentiel. Et encore, seul un bâtiment sur trois semblait habité. L'adolescente était déçue. Trouver un emploi ici s'avérait même plus improbable qu'ailleurs.

De dépit, la jeune fille s'engouffra dans le premier commerce qu'elle croisa, sans aucune conviction et sans un regard pour sa devanture. Elle resta interdite sur le pas de la porte, à tenter de mettre un mot sur le capharnaüm qui se dessinait autour d'elle.

La boutique était un véritable bric-à-brac d'objets de tailles et de provenances très variées. Des vasques en métal, des cartes, des globes, des vases chinois, de l'argenterie... Beaucoup de choses sans grand intérêt et, tout au bout de la longue et étroite salle, un bureau couvert de papiers et de tasses de café vides. Un bureau... ou plutôt une lourde porte en bois précieux posée sur deux tréteaux, seul élément ayant une réelle valeur dans l'ensemble. Et dans le fauteuil, les pieds en équilibre sur le plateau, le commerçant dormait.

« Hum... commença-t-elle en se grattant la gorge. Bonjour ? »

L'homme ouvrit un œil, mais n'eut pas d'autres réactions pendant quelques instants. Puis il s'étira, reposa les pieds au sol et se leva. De taille moyenne, les cheveux châtain clair assez longs – la coupe, comme la barbe – légèrement négligée. Il portait un jean sur une chemise type bûcheron par-dessus un tee-shirt à manches mi-longues.

« Mademoiselle », salua-t-il, pas du tout perturbé par le bazar ambiant.

D'un geste désinvolte, il fit disparaître son café et les restes d'un repas, puis détailla la nouvelle venue. Il devait avoir la vingtaine.

« J'aimerais parler au patron... », commença l'adolescente, certaine que son jeune interlocuteur n'était que le vendeur de la boutique.

Vendeur fort peu zélé, au demeurant.

« C'est moi-même », rit le jeune homme en passant devant son bureau pour venir lui serrer la main.

Il sourit à la jeune fille, qui lui trouva instantanément quelque chose de très charmant. Elle le dévisagea avec intérêt, surprise.

« Appelle-moi Jérôme, fit-il avec une aisance qui la mit aussitôt en confiance. Tu dois être la fille qu'a récupérée la Vieille Naine, non ? enchaîna-t-il, ce qui la fit aussitôt cesser de sourire.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant