27.

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Ma mère m'appelait pour la deuxième fois depuis la cuisine, et pour la deuxième fois c'était sans réponse. Je pensai à ce que m'avait dit Dimitri; ce qui se passera ce soir sera encore pire. Ma mère avait du être mise au courant et je ne pouvais retourner dans le temps.

Je ramassai mon téléphone qui était à mes pieds et je me levai pour sortir de mon coin, là où j'avais pu pleurer seule en silence. Je glissai mon téléphone dans la poche arrière de mon pantalon et avant de toucher la poignée de ma porte, j'essuyai les larmes encore présentes sur mes joues. Je pris une grande inspiration et me décidai enfin à sortir de ma grotte. Je descendis, les jambes et les bras contre la rambarde, tremblante. Je marchai doucement et silencieusement pour ne pas me faire remarquer. J'entendis ma mère parler toute seule, je ne comprenais pas vraiment ce qu'elle se murmurait à elle-même. Je finis de descendre les escaliers et marchai jusqu'à la cuisine; elle était là, de dos, une main sur la hanche et l'autre tenant ce qui ressemblait à un petit papier. Étant plus près d'elle, je pus entendre: il ne pouvait pas y avoir pire. J'étais définitivement mal barrée et je ne savais pas ce que je devais faire: aller la voir et affronter ma mère ou faire demi-tour et ne plus jamais sortir de ma chambre. Je pris une longue inspiration et m'approchai de plus en plus de cette femme qui m'effrayait. Oui, ma mère me faisait froid dans le dos.

"Sacha, c'est toi ! s'écria t-elle se retournant vers moi quand je refermai la porte derrière moi.

- Hum, oui... Tu voulais me parler? dis-je gênée en baissant les yeux au sol.

- Oui, elle souffla, voilà ce que j'ai trouvé en rentrant tout à l'heure."

Elle posa violemment le papier, qu'elle tenait récemment dans la main, sur la table et j'eus un sursaut lorsqu'elle fit ce geste. La feuille était retournée et je ne voyais qu'une face blanche. Je soufflai, et fermai les yeux tout en tournant la feuille et, c'est sans surprise que je vis une photo d'Ella et moi s'embrassant dans la cour. Dimitri, cet enfoiré, pensai-je intérieurement. J'avais une forte envie de pleurer et je pense que je ne m'en étais pas empêchée. Tout s'emmêlait dans mes pensées. Le regard pesant de ma mère sur moi me gênait fortement.

"Sacha, j'attends une explication, s'exclama t-elle en posant un doigt sur la photo.

- Que veux-tu que je te dise? répondis-je innocemment.

- Tu le fais exprès ou quoi? elle frappa sur la table avec son poing et je sursautai, c'est toi sur la photo, on te reconnaît ! Explique moi pourquoi tu embrasses une fille, merde!"

Je serrai les poings et pris une grande inspiration. Je passai ma langue sur ma lèvre inférieure et repris à nouveau une grande inspiration. Je regardai dans les airs puis mes yeux se posèrent en direction de ma mère.

"Oui c'est moi, oui je sors avec cette fille. Oui je suis lesbienne."

Je n'en revenais pas, ces mots sortirent tout seul de mes lèvres. Je venais tout juste d'avouer à ma mère homophobe, que j'étais attirée par les filles. Son visage changea immédiatement mais je pus voir à travers sa colère une déception énorme dans ses yeux.

" Tu te fiches de moi j'espère ?! Tu..."

Elle ne put finir à phrase car mon père débarqua dans la cuisine, sûrement alerté par la voix de ma mère.

" Tu tombes bien, reprit ma mère s'adressant à mon père, ta fille est lesbienne, tu t'en rends compte?!

- Hum, oui, répondit-il en baissant les yeux.

- Alors toi, s'écria t-elle en se tournant vers moi, je ne veux plus jamais que tu revois cette fille ! Tu es complètement folle, comment as-tu pu faire ça !?"

Je n'eus même pas le temps de répondre qu'elle me donna une claque sur la joue. Je fus choquée par ce geste. Je caressai ma joue rouge, les larmes aux yeux et la bouche entrouverte, ne sachant quoi lui répondre.

" Mais... commençai-je avant que ma mère ne me coupe,

- Tu me fais honte, tu nous fais honte à ton père et moi !"

J'essayai de me défendre, mais à chaque fois ma mère me coupait pour me crier dessus et mon père ne disait rien, ce qui m'énervait fortement. Je décidai de partir de la pièce, je n'en pouvais plus d'entendre les injures de ma mère. Je me dirigeai sans un mot vers la porte de l'extérieur, mais avant de sortir, je me tournai vers mon père et lui dit:

" Et bien sûr tu ne dis rien, tu ne me défends même pas."

Je partis de la maison en claquant la porte. Je ne savais même pas où je pouvais aller. Je restai dans la cour une bonne dizaine de minutes à réfléchir à ce qui venait de se passer, mais surtout à pleurer. Je me levai d'un coup et je me mis à courir, je ne sais où, dans aucune direction précise. Heureusement il n'y avait pas énormément de maisons dans le village et je me retrouvai rapidement dans un champ. Je m'assis par terre et m'écroulai, j'hurlai et j'avais à nouveau cette envie: disparaître.

Il faisait presque nuit et j'étais toujours seule, allongée sur l'herbe jaunâtre du champ. Je ne savais même pas où je pouvais bien aller. Je ne voulais plus jamais retourner dans cette maison où je n'étais même plus la bien venue. Une idée me vint alors et je sortis mon téléphone de ma poche et cherchai dans ma liste de contact, puis je collai mon portable à mon oreille et attendai qu'elle me réponde.

"Allô ? dit-elle d'une voix fatiguée.

- Axelle ? Je ne te dérange pas?

- Sacha ? Non bien sûr que tu ne me déranges pas.

- Ouf. Hum, j'avais quelque chose à te demander...

- Je t'écoute."

Je posai mon regard sur la lune et les étoiles qui commençaient à apparaître dans le ciel sombre. Les larmes coulèrent sur mes joues, et puis j'entendis Axelle m'appeler à l'autre bout du fil. Je sortis de mes pensées et essuyai mes larmes.

" Désolé, j'étais partie ailleurs, répondis-je.

- Ça ne va pas?

- Pas vraiment. Je peux passer quelques jours chez toi ? S'il te plait.

- Oui bien sûr, il n'y a aucun problème mais, pourquoi?

- Je t'expliquerai, je peux pas te le dire par téléphone. En tout cas merci, t'es une vraie amie."

On resta quelques secondes de plus au téléphone histoire d'être sûres que je puisse venir chez elle puis on raccrocha. Je me levai enfin et me dirigeai, avec peur, vers ma maison pour faire ma valise.

Laissez Moi Aimer - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant