Harlem et Igniire

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Naola fut réveillée par des coups frappés à sa porte. Elle se recroquevilla en position fœtale et se cacha sous la couverture. Elle avait dû s'y glisser au chaud durant la nuit.

« Mademoiselle ? » entendit-elle distinctement à travers la cloison qui devait être plutôt fine.

Mademoiselle, songea-t-elle, voilà que le barman faisait dans la politesse. Au moment de lui demander de payer sa chambre, il oubliait de l'appeler gamine. Elle grommela, chercha à rattraper les bribes de son sommeil. Mais l'autre insista :

« Mademoiselle ?

– 'Arriv' », lança-t-elle d'une voix pâteuse.

Elle repoussa les draps en notant au passage leur odeur désagréable, puis posa les pieds au sol. Se remettre debout lui tira la grimace des jours de courbatures. Elle vacilla jusqu'à la porte qu'elle tenta d'ouvrir plusieurs fois avant de se souvenir l'avoir verrouillée.

« Quoi ? demanda-t-elle de méchante humeur à travers la porte entrebâillée

– Je... Je venais juste voir si ça allait, répondit le serveur. Il est onze heures, j'avais peur que tu ne te réveilles pas. »

Naola se détendit un peu et ouvrit plus grand à l'homme qui l'avait, l'air de rien, sortie d'un bien mauvais pas.

« Je vais bien... Merci... Harlem... », souffla-t-elle après une petite seconde à faire remonter son nom jusqu'à sa bouche.

Elle avait haussé les épaules et cela lui tira aussitôt une grimace, puis un gémissement douloureux. Elle porta la main à l'endroit où le mécamage l'avait frappée. Elle devait avoir un sacré bleu. Harlem sourit et leva une tasse d'où s'élevaient des volutes de vapeur.

« Café ?

– Oui ! »

Elle tendit la main et grogna à nouveau. Bouger le bras lui faisait mal. L'homme en face d'elle termina son geste et lui mit le breuvage entre les doigts.

« J'ai de la crème pour ton épaule. Je peux regarder si tu veux. »

Tant de sollicitude surprit Naola, qui lui jeta un regard méfiant. En fait, c'était la première fois qu'elle l'observait vraiment. Il n'était pas très grand et pas très beau non plus. Ses yeux bruns s'enfonçaient sous des arcades un peu trop proéminentes. Une cicatrice barrait son visage, du sourcil au milieu de la pommette gauche. Des cheveux sombres, tirés en arrière par une petite queue-de-cheval, un nez droit et fin... Il dégageait une impression étrange.

Il devait avoir la trentaine, mais son attitude trahissait la fatigue d'une vie difficile. Sa façon de se tenir, son regard un peu fuyant, ses épaules en avant ne transpiraient pas la confiance.

« J'aimerais prendre une douche avant... répondit Naola avec quelques secondes de retard. Si c'est possible. Et après, je veux bien de ta crème...

– Hum... Si tu veux. Mais vu l'état des sanitaires ici, je te conseille plutôt d'utiliser un sort de propreté corporelle.

– Je préférerais me doucher, insista la jeune fille avec un froncement de nez par-dessus son café.

– C'est au fond du couloir, indiqua le serveur d'un geste. Bon courage. Je retourne aux cuisines. Fais en sorte d'avoir de quoi payer quand tu descendras manger. Igniire, la patronne, est pas du genre à tolérer les squatteurs.

– Je lui dois combien à ta patronne ?

– Treize dens, répondit l'autre après un rapide calcul mental.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant