J'avais toujours mes deux jambes... mes deux mains...
Mon bras gauche en revanche, ne répondait pas à l'appel.
Inquiète, je tentais un nouvel essai d'ouverture des paupières.
L'atroce petite lumière avait disparu et était remplacée par un visage d'homme qui me scrutait de très près.

-Bonjour, mademoiselle Prissera, chuchota-t-il.

Je clignai des yeux et dirigeai aussitôt mon regard sur mon bras gauche.
Un plâtre.
Parfait, au moins il était toujours accroché à mon épaule.
Je ne me souvenais d'être tombée sur le fauteuil de Marc, et d'avoir entendu Charlie pleurer mais c'était tout.

La réponse m'apparut aussitôt, sous la forme d'une femme au visage larmoyant, qui se penchait vers moi.
Maman.
Sa main froide caressa mes joues, et je sentis le souvenir d'une douleur foudroyante à cet endroit.

-Coucou, ai-je chuchoté.

Elle sourit et embrassa mon front.

-Tu as dormi deux jours entiers, ma belle.

-Deux ? M'égosillai-je autant que me le permettait ma voix quasi inexistante.

Maman hocha la tête.
J'attendais quelques instants de plus, voyant si elle continuait à me donner des réponses aux questions muettes qui me harcelaient.

-Oui, papa va bien, ajouta-t-elle.

-Papa ?

Je soulevai un sourcil, lui indiquant que ce jeu des mille et un secrets était terminé.
Elle hocha la tête tandis que les médecins s'éloignaient de mon lit.
Maman tira une chaise et s'assit auprès de moi.

-Je regrette tellement la façon dont il t'as mise au courant ! J'aurais voulu te l'annoncer calmement, de la manière qui conviendrait le mieux. Mais j'ai bien trop attendu, termina-t-elle en baissant les yeux sur mon plâtre.

Mon corps se réveillait peu à peu. J'ai soufflé à ma bouche engourdie, à mes mains immobiles et à ma poitrine endolorie d'arrêter de faire les victimes et de prendre sur eux.

-Alors, si le temps des révélations est enfin arrivé, ajoutai-je en toussant, je pense être en droit de connaître toute cette histoire. Depuis le commencement.

Maman soupira longuement et se leva pour ouvrir les fenêtres de ma chambre, laissant l'air frais du matin nous revigorer.

-Cristal ? Est-elle...

J'ai brutalement tourné la tête, au grand déplaisir de ma nuque.
Henri était debout devant mon lit.

Papa était debout devant mon lit.

On devrait pouvoir mettre sur pause certains moments de l'existence afin de pouvoir les analyser, les revivre encore et encore.
Ce moment-là en ferait alors partie.

Henri me regardait avec une douceur et un calme que je n'avais jamais connu, encore différent des choses que je trouvais dans les yeux d'Élias.
Ses lunettes étaient glissées sur le col de son pull bleu et ses cheveux bruns étaient ébouriffés, comme si il venait de se réveiller.

Inconsciemment, je me mis à tenter de reconnaître chez cet homme, des similitudes avec moi.

-Eh bien... Salut Wendy, murmura-t-il.

Maman le fixait calmement, avec tendresse.

-Henri, expliquons-lui. Expliquons-lui tout.

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-Elle est aux urgences ?! Me suis-je étouffé.

Madame Prissera hocha la tête et resserra sa queue de cheval.
Elle avait pleuré, ses yeux brillants et ses joues rougies en témoignaient.

-Pourquoi a-t-il fait ça ? Mais envoyez-le en taule bordel !

On refuse de me laisser voir Wendy malgré mes demandes incessantes.
La seule indication qu'on m'offrit était le fait que la jeune fille était en vie.
Pendant quarante huit heures, j'ai cru devenir fou.
Je parvenais à marcher depuis peu et faisait les cent pas dans cette chambre d'hôpital, mort d'inquiétude.
Décidément, cette histoire d'amour était un vrai casse-gueule.

Je regardais par la fenêtre en essayant de rester calme lorsqu'on frappa à la porte.

-Entrez, ai-je lancé en me retournant.

Je m'attendais à tout sauf voir Henri Valentin franchir le pas de ma porte.

-Salut gamin.

J'ai ouvert la bouche et l'ai refermée, ne sachant absolument pas quoi dire.
Que faisait-il ici ?
Il était sûrement venu constater que j'étais sur pieds...

-Je suis vraiment heureux de voir que tu te remets. Sache, gamin, que les flics sont ici et s'occupent du président. Tu n'auras donc pas à t'en charger, sourit-il.

Des questions me brûlaient les lèvres au sujet de Marc Prissera et de ce qu'il allait devenir, mais Henri dut voir à mon expression qu'une seule chose m'intéressait réellement.

-Et oui, la petite s'est réveillée.

J'ai suivi Henri dans tout le bâtiment, le souffle saccadé par ma marché trop rapide.

Wendy était allongée sur un lit standard d'hôpital, et avait quitté les urgences pour être transférée dans une chambre normale.
Chacun de mes muscles se détendit progressivement tandis que je fixais la jeune femme au bras plâtré et au visage parsemé de bandages.

J'étais dans un tel soulagement que j'en oubliais son état et courut vers elle.

-Élias ! S'exclama-t-elle.

J'ai enlacé son corps abîmé et ai inspiré longuement, comblé de reconnaître son odeur fruitée.
Henri et Cristal Prissera bavardaient dans un coin de la pièce tout en nous jetant des regards souriants.

Il y avait, dans leur façon de parler, une chose que je ne parvenais pas à saisir.
Ils semblaient... se retenir.
S'efforcer de rester calme.
Se connaissaient-ils ?

-Bon Élias, autant y aller franchement. Je te présente mes deux parents, souffla Wendy, le visage enfoui dans mon cou.

J'ai redressé la tête.

-Qu'est-ce que tu as dit ?

La jeune femme a planté ses yeux dans les miens, plus vifs et brillants que jamais.

-Ça risque d'être très long à expliquer, gamin, intervint Henri en s'approchant.

Mes yeux bloquèrent sur la main de Cristal qu'il tenait dans la sienne.
Bon.
J'ai relevé le visage de Wendy et me suis allongée auprès d'elle, laissant son bras menu entourer mon torse.

-Je vous écoute.

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J'écoutais Henri et maman expliquer de long en large cette situation rocambolesque au garçon que j'étreignais.
Ses yeux s'écarquillaient de plus en plus mais il ne posait aucune question.

Henri lui expliqua absolument tout, comme il l'avait pour moi quelques minutes auparavant.

-Très bien. Alors si je résume... Tu es le père de Wendy mais pas celui de Charlie, Marc Prissera t'as pris ta femme à coup de photos trafiquées et vous avez passé des treize ans à vous morfondre chacun de votre côté. Et maintenant ? S'enquit Élias.

Maman et.. et papa se regardèrent sans bruit.
Je ne savais pas ce qui allait se passer demain, me dis-je en fermant mes yeux contre la main d'Élias... Mais j'étais pressée.

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