8 - Courtisanes.

Depuis le début
                                    

Le monde quitta peu à peu les appartements de la Reine et je demandai à m'entretenir personnellement avec la marquise.

- Qu'y a-t-il mon enfant ?

- J'aimerais vous remercier de prendre en charge ma robe de mariée, et vous demander également la raison de cette grâce ?

- Prenez cela comme un cadeau de mariage, j'ai bien trop d'argent que je ne dépenserais jamais, ni moi ni mes enfants.

- Pourquoi moi ?

- Beaucoup de 'pourquoi'... Le Roi sait depuis son plus jeune âge qu'on ne peut rien lui refuser parce qu'il règne sur la France entière. Il vous a remarqué, et si vous lui aviez céder, il vous aurait déjà utilisée et se serait lassé. Vous lui résistez parce que vous aimez le vicomte, et c'est ce qui fait de vous l'attraction à la mode à la Cour. Cela l'énerve, et cela m'amuse. Vous avez une force de conviction qui dépasse celle d'un Roi, et j'ai besoin de plus de femmes comme vous parmi mes amies. J'ai fini par comprendre que je ne pouvais contrôler les amours et la faveur du Roi.

J'espère que la robe vous plaiera.

Elle sortit de la salle avant que je n'ai le temps de la remercier. Je restais quelques secondes ainsi debout, seule dans la salle. « Une force de conviction », le Roi n'avait jamais rien fait pour me forcer et je n'avais pas eu jusqu'ici besoin de faire preuve de conviction.

Alors que j'allais sortir de la salle, la Reine m'arrêta.

- Mademoiselle de Bonacieux... Vous vous étiez magnifiquement bien occupée de mes chiens et je crois que personne ici n'en prend autant soin. J'ai entendu dire que vous aimiez la nature, et j'aimerais vous engager pour que vous les promeniez et les fassiez jouer tous les jours au moins deux heures. Vous serez bien sûr rémunérée en conséquence.

- J'adorerais Majesté.

- Et bien il en sera ainsi. Vous viendrez demain, à l'heure qui vous convient le mieux.

Je m'inclinais et sortais de la salle. Je croisais Aleister dans les couloirs et il laissa le duc de Gramont pour venir me parler.

- Comment se porte ma fiancée aujourd'hui ?

- Très bien, et monsieur son fiancé ?

- Si tu vas bien, je vais bien aussi.

- Toujours à faire l'idiot...

- Je ne fais pas l'idiot, j'aurais été inquiet si quelque chose te contrariait. Que dirais-tu d'une promenade dans les jardins ?

- Je ne dirais pas non...

Il me proposa son bras et me conduisit dehors. Le soleil brillait légèrement, ni trop ni pas assez, ses rayons glissaient sur les feuilles vertes et illuminaient les jardins. Cette vision seule suffisait habituellement à me contenter mais aux côtés d'Aleister je baignais dans le bonheur. La nature venait combler un vide, et je me désespérais de ne pouvoir graver à jamais cette image dans ma mémoire. Je tournais la tête de tous côtés et observais chaque détail pour m'en nourrir.

- Je serais presque jaloux de la façon dont tu regardes ces arbres.

- C'est parce que je ne les aurais pas à mes côtés pour le reste de ma vie, eux.

Je vis le coin de ses lèvres s'étirer et son pouce caressa le dos de ma main.

- Assisteras-tu demain à l'arrivée de l'ambassadeur ?

- J'espérais l'éviter. La Reine m'a demandé de s'occuper de ses chiens quotidiennement alors je comptais éviter la foule en jouant avec eux aux alentours du déjeuner.

- Bien, ce sera ennuyant mais je suis obligé de m'y rendre, en tant qu'anglais et « ami » de la couronne. Antoine me tiendra compagnie.

- Bonne chance.

Il rit et proposa de marcher un peu avant de me raccompagner.
A ses côtés, les silences n'étaient pas gênants. Ils étaient même plutôt agréables puisque nous ne tentions pas de les combler. J'avais l'impression de ne pas avoir besoin de mots pour me faire comprendre. Il me raccompagna finalement devant mes appartements et me baisa la joue.

Ma journée se termina sans autres événements particuliers. Je n'assistais ni au dîner ni au souper du Roi, sentant une migraine me prendre le crâne. J'aurais pourtant adoré revoir Aleister, sa compagnie me manquait. Il me sortait habituellement de mon ennui. Je dormis mal cette nuit mais heureusement, je me réveillais sans mal de tête.

Je me rendis un peu avant le dîner aux appartements de la Reine et y rencontrais la Montespan qui avait été prévenue de ma potentielle arrivée. Nous parlâmes peu. Je fus conduite à la salle des chiens. Ils s'agitèrent et coururent vers moi dès qu'ils me reconnurent. Diane fut la première à me sauter dessus, je me baissais pour caresser son pelage chocolat tandis que la marquise s'éclipsait. Ils étaient tous les cinq jeunes et pleins de vie. Si je devais les sortir, je devrais les mettre en laisse... mais je ne pouvais les promener tous les cinq à la laisse ou non, seule. A qui pourrais-je demander ? Adam ? Aleister ? Peut-être Isabelle ? puisqu'Elisabeth était toujours dans le château de son mari.

Je jouais quelques temps avec eux, leur lançant les quelques jouets présents dans la pièce. Puis quelqu'un rentra dans la pièce après avoir brièvement toqué.

- Ma mère m'avait averti que vous vous trouviez ici, déclara le duc du Maine en s'inclinant.

- Monsieur... Comment vous portez-vous ?

- Très bien, et vous ?

- De même. Que puis-je faire pour vous être utile ?

- Je venais me proposer pour vous aider à promener ces bêtes, une poigne supplémentaire ne serait pas de trop n'est-ce pas ?

- Tout à fait, je vous en remercie.

Il m'aida à les mettre en laisse puis nous quittâmes les appartements de la Reine. Le château était désert donc je supposais que l'ambassadeur était reçu dans une salle où toute la Cour était présente. Nous avons couru dans les labyrinthes, j'ai découvert chez le duc un côté enfantin auquel je ne m'attendais pas. Il était rieur et drôle, puérile parfois, et même s'il ne voulait pas le montrer : il adorait ces chiens.

Et ce que je redoutais arriva finalement. Nous croisâmes la Cour. Le Roi et la Reine, accompagnés de la Montespan et de l'Anglais j'imagine. Jeune, plutôt bel homme, complètement différent de ce à quoi je m'attendais. Je m'agenouillais presque pour les saluer tandis que le duc se contentait de s'incliner. Il m'aida d'ailleurs à me relever.

- Monsieur nous, Louis XIV, Roi de France, avons l'honneur de vous présenter notre fils et une amie de la couronne.

'Une amie de la couronne', ma mère allait adorer ça. Aleister par contre, à quelques pas du couple royal ne semblait pas apprécier toute l'attention qu'on me portait. L'ambassadeur me détaillait de haut en bas, j'avais l'impression d'être à leur merci. Finalement le duc s'inclina à mes côtés et prétexta que nous devions finir la promenade des chiens royaux. Son père sembla vouloir le retenir puis se ravisa lorsque la Montespan lui jeta un regard. Je ne comprenais pas vraiment leur jeu de regard mais je savais qu'ils ne m'apporteraient pas que de bonnes choses. Nous continuâmes notre chemin et rentrâmes au château une vingtaine de minutes plus tard. J'étais épuisée d'avoir déambulé tout ce temps mais en même temps tellement heureuse. Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais amusée autant.

Constance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant