8 - Courtisanes.

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- Mademoiselle, nous vous attendions justement pour le thé.

Je m'inclinais légèrement. En effet la Reine était présente, ses chiens sur les genoux. Sa robe était similaire à celle de la Montespan mais elle lui allait nettement moins bien. Elles étaient toutes deux jaune citron, cela faisait ressortir la perruque brune de la marquise et la pâleur de sa Majesté. Cette dernière paraissait entravée par le lourd tissu et les nombreux voilages. Sa perruque semblait également beaucoup trop haute et lourde, elle qui était une des plus petites femmes de la Cour... ces dames ne faisaient donc rien pour l'embellir.

Une domestique m'aida à m'asseoir dans un fauteuil et me servit un verre de thé au citron. Madame de La Fayette me complimenta sur ma tenue, robe violette supposée mettre mes yeux en valeur. C'était ce qu'on appelait une réunion de courtisanes dans toute sa splendeur. Le sujet principal était, comme je m'y attendais, les hommes.

- Vous avez bien de la chance que votre mari madame la marquise, soit si loin de vous, commenta Sévigné.

- La plus chanceuse ici mesdames est mademoiselle de Bonacieux. Bientôt comtesse, son fiancé est connu pour être des plus agréables, répondit la favorite en titre. Agréable à regarder et à qui parler.

Je ne savais où me mettre. Je me demandais à cet instant si Aleister avait déjà tenté quelque chose avec la marquise... après tout elle était une belle femme, charmante... Mais je pense que même s'il l'avait fait, cela n'aurait pas aboutit. La marquise n'aimait pas ou plus le Roi, en tout cas c'est ce que je croyais, mais elle lui était fidèle : fidèle à ses privilèges et à son titre. Je ne pense pas qu'elle se serait abaissée à un vicomte, aussi « agréable » soit-il. Et cela m'arrangeait.

Il prétendait que toutes ces femmes ne comptaient pas pour lui mais j'avais plus de mal à les oublier que lui. Puis vint une question à laquelle je ne m'attendais pas « L'aimez-vous ? » et étrangement, elle venait de la Reine. Qui aurait cru qu'un jour une femme d'une aussi haute naissance me parlerait d'amour ?

- C'est un ami.

Quel délicieux mensonge... Je savais très bien que je tombais chaque jour un peu plus sous son charme malgré tout ce que je savais de lui. Seulement chaque fois que je me faisais à l'idée, que je me disais que je l'aimais, l'image du Roi s'imposait à mon esprit. Lui aussi disait m'aimer ou c'est ce que j'avais cru comprendre, et il n'était pas dégoûtant loin de là.

- Arrêtons de parler de ces maris ! Ils nous ennuient déjà bien assez lorsqu'ils sont présents, coupa la marquise.

- Un ambassadeur anglais fera bientôt son entrée à la Cour, lança alors Madame de La Fayette pour agrémenter la conversation.

La dernière fois qu'un anglais était venu pour raisons diplomatiques à la Cour, il souhaitait honorer la sépulture d'Henriette d'Angleterre, la précédente épouse de Monsieur, duc d'Orléans, frère du Roi. Ce dernier l'appréciait beaucoup à ce qu'on disait et il ne se serait pas marié à nouveau si le Roi n'avait pas utilisé le chevalier de Lorraine dans un quelconque chantage.

La matinée continua ainsi, je parlais peu : j'avais au moins dix ans de différence avec chaque personne présente dans la salle. Et puis, je les connaissais à peine, j'ignorais la raison de ma présence dans cette salle et je n'avais jamais aimé critiquer les autres ni répandre des rumeurs. J'avais lu une pièce de Molière sortie avant ma naissance appelée Le Misanthrope, et je m'étais presque reconnue dans la franchise du personnage, moins exacerbée bien sûr. Il se refusait à mentir et se voulait toujours honnête, tandis que la femme qu'il aimait ne faisait que le tromper et critiquer la société mondaine dans son salon. C'était une précieuse, une de ces femmes à la mode à qui je refusais de ressembler.

Constance...Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt