3 - Les hommes.

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Mère m'obligeait à prendre des leçons de piano. Je n'aimais pas réellement ça, je préférais largement le violon. C'était un instrument plus noble mais je ne savais absolument pas en jouer. C'est en partie beau par sa difficulté.

Adam est venu me tenir compagnie en milieu d'après-midi. Il était morose mais il refusait de me dire pourquoi. Il refusait, depuis quelques temps, de me dire ce qu'il avait en tête. Je crois que c'était sa destinée future qui lui faisait peur. Il ne savait pas quoi faire, ou alors au contraire il savait très bien que faire et il avait peur que je le prenne mal. Je savais depuis notre plus tendre enfance qu'il ne serait jamais comptable comme mon père. Il aimait l'aventure et la justice alors il s'engagerait sûrement comme mousquetaire ou comme soldat... La première option m'effrayait beaucoup moins, être au service du Roi me semblait moins dangereux qu'être au service de la France entière.

Mère me fit revêtir une robe de satin violet richement parée pour assister au dîner du Roi. Le décolleté était plongeant, son plastron était orné de nœud en ruban bleu pâle, ses manches se terminaient par une dentelle de la même couleur et un collier d'or fin seul habillait ma gorge.

La table état composée du Roi et de la Reine, entourés de la Montespan, maîtresse du Roi et dame d'honneur de la Reine ainsi que son fils aîné le duc du Maine. Il n'était pas bel homme, mais pas laid non plus. Il paraissait fade aux côtés de son père certes mais en réalité il avait de grands yeux noirs expressifs, parfois vicieux et qui m'effrayaient souvent d'ailleurs. Il se portait droit malgré sa jambe handicapée, il avait de l'allure qui allait de paire avec son titre.

Quand vint le dessert, il attendit que toute la table se soit servie pour se lever dans ma direction avec un plateau de chocolat. Je fis du mieux que je pouvais pour cacher mon affolement, espérant secrètement qu'il change de direction au dernier moment. Mais il ne le fit pas.

- Mademoiselle, vous disiez que vous aimiez les chocolats. Choisissez-en.

- Merci monseigneur.

Je m'inclinais et retirais mes gants pour en choisir le plus rapidement possible priant pour que cet événement se termine le plus rapidement possible. Il partit en me souriant tandis que tout le monde continuait de me fixer. Adam glissa sa main dans le creux de mon dos, se voulant rassurant. A la fin du repas, il m'entraîna avec lui dans un coin de la salle.

- J'ignore totalement la raison de son geste...

- Je sais que ce n'est pas ta faute... et la raison de son geste est qu'il te trouve magnifique, comme tous ceux présents dans cette salle.

Je ne sus que répondre à cela. Peut-être Adam avait-il raison... je ne m'étais jamais trouvée particulièrement jolie. Après tout je passais mes journées aux côtés d'Elizabeth et Isabelle qui étaient chacune bien plus belle que moi. J'étais plutôt banale pour une fille de cour en réalité. Je n'avais de magnifiques yeux en amande ou des cils épais, même pas de lèvres fines... Je ressemblais à chaque jeune fille avec une perruque blonde en réalité.

Le regard de la Montespan alternait entre son fils et moi. J'espérais que le duc du Maine n'aurait pas d'ennuis par ma faute... J'ignorais complètement les règles de convenance qu'imposait un dîner royal. Le vicomte de Turenne vint accoster Adam, et ils commencèrent à parler de politique. Je m'éloignais discrètement pour éviter d'avoir à écouter des paroles dont je ne comprenais pas un traitre mot.

J'avais réussi à rejoindre un balcon vide lorsque je sentis une présence s'installer à mes côtés. Je me tournais pour découvrir le vicomte de Druitt un verre de vin à la main. Il l'agitait sous son nez comme j'avais l'habitude de voir mon père le faire.

Constance...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant