Chapitre 18 (réécrit)

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17 janvier 1944

Le bruit de bottes claquant sur les pavés me fait sursauter. Je me redresse dans mon lit et je pense immédiatement à Victorine qui nous a quitté hier soir avec Rosalie et Adèle.
Et s'il leur était arrivé quelque chose ? Je m'habille précipitamment et je rejoins ma mère qui est occupée à préparer le petit-déjeuner.

L'instant d'après, une voix allemande nous somme d'ouvrir la porte.

Ma mère se précipite vers le hall tandis que je reste un instant dans la cuisine : de loin, lorsqu'elle ouvre, je distingue quatre silhouettes qui se tiennent dans l'embrasure de la porte. Ma mère fait entrer les quatre officiers allemands et je m'approche alors lentement. Le premier, l'Hauptscharführer Mark Hohenstein , un grand blond au regard arrogant et suffisant, nous indique qu'il réquisitionne l'étage de notre maison pour une semaine au moins car son équipe doit mener une mission d'inspection dans les installations militaires de la côte. Il présente ensuite les hommes qui l'accompagnent : le SS Scharführer Frank de Löwenstein-Göttingen et le SS Unterscharführer Jürgen Eberhardt.

Je suis surprise par le ton moqueur de sa voix lorsqu'il parle du 4ème homme qui se tient légèrement en retrait par rapport à ses compagnons : ce dernier n'est pas allemand, il est polonais et il fait partie des SS non par choix mais par obligation selon son supérieur. Je suis également surprise que l'Hauptscharführer Hohenstein ne nous donne ni son nom ni son prénom mais simplement son grade, il est SS Sturmmann. Très étonnée, je tourne la tête vers cet homme à l'instant même où il retire lentement son képi pour passer nerveusement une main dans ses cheveux châtains ondulés. Je le détaille un instant : il me semble jeune, il ne doit pas avoir plus de 25 ans, il est grand, plus grand que les trois allemands qu'il accompagne, il est mince et il semble fatigué, accablé...

Je suis vraiment déstabilisée par la tristesse que je remarque dans ses yeux bleus et je ne peux m'empêcher de le fixer avec insistance sans comprendre pourquoi je ressens ce besoin de le regarder : nos regards finissent par se croiser et gêné sans doute par mon attitude, l'officier détourne la tête tandis que je continue à l'observer discrètement tout en écoutant les raisons de la présence de quatre membres de la Waffen SS dans ma maison.

Je sens que quelque chose m'échappe pendant que je poursuis mon examen : cet homme n'a pas du tout la même attitude que les autres officiers de la Wehrmacht et de la Waffen SS que j'ai pu croiser jusqu'à présent : tous sans exception ont le regard fier et dédaigneux, comme les trois allemands que j'ai devant moi, ils se tiennent bien droit et lorsqu'ils nous croisent dans la rue ou à la Kommandantur ils nous toisent avec mépris. Mais cet homme est... différent et...il n'est pas comme eux j'en suis certaine.

Je me reconcentre sur la conversation que ma mère a avec les trois allemands : notre maison comporte trois chambres avec chacune un grand lit. Nous devons en laisser deux aux Allemands qui consentent à nous laisser celle de ma mère mais ils refusent que nous y dormions pendant leur séjour chez nous. Puisque je ne vais plus pouvoir entrer dans ma chambre pendant une semaine, je vais chercher rapidement une partie de mes affaires personnelles et les transporte chez ma mère.

Puis, celui qui s'appelle Mark nous demande d'installer immédiatement au rez-de chaussée le matelas du lit de ma mère : je le dévisage avec stupeur car je n'avais pas compris que nous ne pourrions même pas dormir à l'étage. Je soupire car je ne vois pas comment nous allons pouvoir arriver seules à faire ce qu'il nous demande mais je ne dis rien et j'obéis à ses ordres.

Ma mère et moi, nous nous exécutons donc mais avec lenteur : je vois bien que cela ne plait pas à nos visiteurs mais nous ne savons pas faire plus vite. Je vois alors l'un des deux autres allemands taper sur l'épaule de l'officier polonais et le pousser dans notre direction. Tandis qu'il nous aide, une pensée tout à fait saugrenue me traverse l'esprit : cet homme est malheureux et doit endurer à longueur de journée des remarques désobligeantes de la part de ses compagnons.

Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés  chez Poussière de Lune Édition }Where stories live. Discover now