Chapitre 14 (réécrit)

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4 janvier 1944

Je suis réveillée brusquement par des hurlements : je me redresse dans mon lit et je tend l'oreille pour vérifier que je n'ai pas rêvé. Un nouveau cri, ou plutôt de nombreux cris résonnent à nouveau dans la nuit. Je saute de mon lit et je décide de m'habiller pour parer à toute éventualité puis je sors de ma chambre et je manque de percuter ma mère qui a également revêtu une tenue de jour. Elle ouvre une fenêtre et nous entendons alors une sorte de clameur qui provient de derrière la colline, du côté de la ferme de Paul.

Mon cœur bat la chamade et je prie intérieurement pour qu'il ne soit rien arrivé à mon meilleur ami. Mon regard se fixe sur une ombre qui se dirige vers notre demeure et quelques instants plus tard, la voix d'Antoine, le frère du professeur Duhamel, qui habite du coté de Saint Laurent, résonne à notre porte.

- Mathilde ! Anna ! On a besoin de vous, vite !

Ma mère et moi nous descendons rapidement pour lui ouvrir.

- Antoine ? Que se passe-t-il ?

- C'est la ferme de François. Quelqu'un y a mis le feu !

Horrifiée, j'essaie tant bien que mal de respirer normalement mais la panique me gagne totalement. Nous prenons trois grands seaux avec nous et nous suivons Antoine sur le chemin qui mène à la maison de Paul.

Après avoir  parcouru seulementquelques mètres, j'agrippe nerveusement le bras de ma mère :

- Le couvre-feu ! La patrouille !

Antoine me rassure immédiatement en m'expliquant qu'il s'agit d'un cas de force majeure et que les Allemands ne feront rien contre nous.

Nous marchons rapidement et nous grimpons aussi vite que possible au sommet de la colline. L'effort est si intense que j'attrape un douloureux point de côté.

Arrivée en haut, je découvre alors une scène terrifiante : la vieille bâtisse est totalement la proie des flammes qui sont aussi hautes que ses murs. Pas un endroit n'a échappé au feu et je constate que l'étable et les deux granges ont déjà été réduites en cendres de sorte qu'il y a ainsi un trou béant dans le paysage qui ne laisse aucun doute sur l'origine criminelle du sinistre.

A intervalle régulier j'entends des craquements sonores qui proviennent de la maison et j'ai du mal à détacher mes yeux de cet horrible spectacle.

Ma mère a rejoint la longue chaîne humaine composée de nombreux habitants du village qui se relaient pour transmettre les seaux d'eau tirés du puits à une dizaine d'hommes qui tentent de combattre les flammes.

Je finis par sortir de l'état léthargique dans lequel je me trouve depuis notre arrivée et je réalise que Paul et ses parents sont peut-être encore dans la maison.

Je dévale la pente et me met à courir vers les flammes en hurlant le prénom de mon meilleur ami. Je suis stoppée dans mon élan par deux mains fermes qui s'enroulent autour de ma taille. Je tente de me débattre mais l'homme qui me tient a bien plus de forces que moi.

- Anna ! Anna, écoute-moi. Je vais te lâcher mais tu ne dois surtout pas aller près de la maison.

Je reconnais vaguement la voix du docteur Maréchal et je cesse de m'agiter.

Je me tourne alors vers lui les larmes aux yeux et je l'écoute me dire, le regard sombre, qu'il est impossible d'entrer car le feu est trop fort, trop puissant.

- Mais... alors... ça veut dire que...ils pourraient encore...

Je me tourne épouvantée vers la ferme et je ne peux finir ma phrase. Le docteur n'a pas le temps de me dire quoi que soit : un craquement monstrueux résonne à mes oreilles et me glace le sang.

Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés  chez Poussière de Lune Édition }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant