Chap 4

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Anna avait repris des couleurs. Mieux que ça : elle était rayonnante. En effet, elle mangeait bien plus à présent. Elle n'avait certes, pas trouvé de nouveau travail, mais ce ne fut pas faute d'avoir essayé. Comme elle l'avait prédis, personne ne voulait d'elle. Ils trouvaient toujours quelque chose à dire pour la refuser. Souvent, c'était la faute de son CV. Et quand ils n'avaient pas d'excuses, ils la refusaient tout simplement, sans un mot dire.

Elle restait donc, comme depuis ces dernières semaines, chez son cousin – très heureux de la voir de nouveau heureuse, à jouer à des jeux de réflexion, ou bien à regarder la télévision.

Quand venait le soir, Anna se couchait sur le canapé, Châtaigne sur sur son ventre, occupé à ronronner et ensemble – enfin, si tant est que Châtaigne pouvait la comprendre, mais qu'importe –, ils retouchaient les lettres de motivations d'Anna, tout comme son CV.

Pendant ce temps, son cousin s'enfermait à clef dans son mystérieux bureau, d'où il travaillait depuis qu'il ne le faisait plus en présentiel, de façon à rester proche d'Anna.

Chaque soir, elle attendait, impatiente, le moment où il sortirait, guettant la moindre de ses erreurs pour percer les secrets de cette sale obscure. Mais rien à faire, jamais il n'oubliait de fermer à clef. À chaque fois, elle devait donc abandonner l'idée de s'y rendre.

Elle savait que son espace de travail n'avait rien de moins banal que n'importe quel bureau. Elle se doutait que le pire secret que renfermait cette pièce devait être une agrafeuse – électrique. Mais elle aimait bien s'y intéresser ainsi qu'à une énigme. Cela lui faisait passer le temps.

Ce soir-là encore, elle n'y dérobait pas. Elle observait son cousin sortir, fermer la porte derrière lui et aller se coucher.

Elle se replongea ensuite dans la lecture de son CV et autres lettres quand elle se stoppa net. L'avait-elle vu fermer à clef ?

Elle tourna son regard vers la porte. Il n'avait sûrement pas fait une telle chose, elle n'avait certainement pas pensé à regarder au bon moment. La porte ne pouvait pas être ouverte. Mais, après tout, qu'avait-elle à perdre à essayer ?

Tous ses sens se mirent en action. L'énigme qu'elle s'inventait l'excitait au plus au point. Qu'allait-elle trouver dans cette tanière des plus mystiques ? Un élevage illégal d'oiseaux exotiques ? Elle se voyait bien être la libératrice des perroquets d'un continent lointain, faits prisonniers d'un savant fou. À quoi pouvaient-ils ressembler au juste ? Auraient-ils un bec long de plusieurs dizaines centimètres ? De façon totalement disproportionné ? Posséderaient-ils un corps couvert de belles plumes noires se terminant au niveau de la pointe par les couleurs des flammes flamboyantes d'un feu de cheminée ?

Tandis qu'elle s'approchait avec prudence de la porte légendaire, Châtaigne la suivait de près, partageant la même hâte qu'elle.

Elle posa sa main délicatement sur la poignée, l'abaissa, et la porte coulissa.

« N'ayez crainte, je viens vous libérer petits oiseaux tropicaux, tenez bon ! »

Mais bien sûr, ce qu'elle y trouva n'était point un élevage d'oiseaux illégal, non. Ce qui se trouvait à l'intérieur était un laboratoire. Jusque là, rien de tant étonnant, elle savait que son cousin travaillait dans ce domaine : la science – même si elle ne savait pas réellement ce qu'il y faisait. Eh bien, aujourd'hui était le jour où elle allait enfin le découvrir. Et cette pensé raviva son excitation.

« Que mijotes-tu ici, hein ? Peut-être recrées-tu des dinosaures ? pensa-t-elle à voix haute. Ou des espèces d'oiseaux disparues ? »

En réponse à sa questions, Châtaigne miaula en lui lançant le même regard de curiosité.

Anna fit le tour des microscopes, des paillasses incrustées de robinets ou de frigos à éprouvettes.

Puis, sans qu'elle n'ait eu le temps de s'y préparer, un fenêtre se brisa en mille morceau au fond de la salle. Elle n'avait malheureusement pas eu le temps de relever sa tête assez tôt pour parvenir à apercevoir l'auteur de ce vandalisme.

Elle s'approcha donc du lieu du crime. Au sol gisait bon nombre de bouts de verre brisé, dont elle prit soin d'éloigner son chat, en proie à de grande blessures.

« Je vais me faire tuer s'il voit ça, annonça-t-elle gravement à son animal qui la regardait de loin »

Anna se dit donc qu'il lui vaudrait mieux de fuir avant que le propriétaire de cet endroit ne rentre, hors de lui.

Elle entreprit de retrouver Châtaigne et de l'emmener avec elle jusque dans sa chambre où elle irait dormir. Mais celui-ci ne semblait plus faire attention à Anna. Il était distrait. Et quand elle s'approcha de lui, il se réfugia à toute vitesse derrière la paillasse à laquelle il était adossé. Que lui prenait-il ?

Elle atteignit donc cette table, appela son chat, mais ce qui sauta sur le bureau devant elle n'avait rien, si ce n'était la silhouette, de similaire à un chat. Ce qui venait de surgir semblait fait de laine. Serait-elle devenue folle ? Un chat en laine ? Elle devait sûrement s'être endormie sur le canapé, ce qui expliquerait d'ailleurs l'erreur produite par son cousin. Une erreur que, dans la vraie vie, il n'aurait pas commise. Pourtant, tout ici lui semblait terriblement réel. Mais elle savait à quel point les rêves pouvaient être trompeurs.

« Châtaigne ? », Se hasarda-t-elle à demander à la créature.

En guise de réponse, le chat qui lui faisait face s'affaissa pour se transformer en une boule de laine des plus informes, couverte d'yeux fuyant tout autant le regard regard d'Anna qu'ils ne semblaient le soutenir.

Elle écarquilla et eu un bon en arrière, de surprise. Elle trébucha, et retomba sur un morceau de verre récalcitrant qui s'était glissé jusqu'ici sans même qu'elle n'ait pu se demander comment. Et quand la douleur de la pointe qui transperçait son coude se fut plus âcre encore que celle de sa tête ayant frappé le sol, elle comprit que ce à quoi elle assistait n'était en rien une illusion. Elle devait d'ailleurs avoir devant elle, celui qui avait détruit la fenêtre ayant produit ces débris tranchants. Il venait donc de dehors, de toute évidence, mais pourquoi venir ici ? Et d'où provenait-il ? De plus, elle n'avait toujours pas la moindre idée de ce que son cousin trafiquait dans ce lugubre endroit à l'odeur de pharmacie.

Elle retira le petit agresseur de sa peau qui se mettait à présent à éjecter du sang telle une fontaine. Mais elle n'y fit pas attention. Car une pelote de laine multicolore lui faisait face, la regardant de sa myriade d'yeux angoissants et cela était bien plus préoccupant.

En se levant elle se retrouva une nouvelle fois nez-à-nez avec la chose et elle ne put retenir un cri étranglé.

« Oh la vache ! »

La première chose à laquelle elle pensa alors, était de savoir où se trouvait son chat. Et au moment où elle se retournait pour le chercher du regard, une note retentit. Une note semblant sortir d'un piano légèrement désaccordé, mais qui s'avéra provenir du corps même de cette créature sans bouche. Quelle horreur, quelle terreur.

« La vache, la vache, la vache ! »

Une seconde note se fit entendre, subtilement plus différente. Puis un mot, un mot prononcé par la voix d'un homme. Enfin c'était ce qu'il en paraissait, mais cette voix semblait autant humaine que la créature semblait chat. Pour autant, le mot était clair, sans appel :

« Éric »

Surprise puis, terreur.

Elle était terrifiée. Car, au-delà du fait que la créature s'avérait parler, il était encore plus surprenant et inquiétant qu'elle ait prononcé ce nom.

« Comment tu connais le nom de mon cousin ? »

SCP : Anna ZeilWhere stories live. Discover now