6 | La cible

5 2 0
                                    

Émo

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Émo

Aujourd'hui j'ai vécu l'enfer après avoir touché le paradis hier grâce à la gentillesse et à la sur-protection de Lucas, j'étais sur mon petit nuage, même si j'ai eu une fois de plus une absence, ça m'arrive de temps à autre, rien de bien méchant.

Ce matin je suis revenu en cours confiant, mes douleurs ayant disparues après l'application de ma concoction miracle. Oui ma fiole est réapparue dans sa cachette. Je ne cherche plus trop à comprendre, je suis tellement tête en l'air avec mes affaires qu'il se peut qu'hier je n'ai pas bien regardé dans ma cachette. Tout ça pour dire que je me suis retrouvé au centre de l'attention de tous mes camarades. J'ai été bousculé, raillé, je me suis même retrouvé plusieurs fois la tête dans la cuvette des toilettes tout ça sous la surveillance d'un Lucas méconnaissable, complément indifférent. Il n'a pas cessé de m'observer comme s'il cherchait à ce que je réagisse ou  découvrir quelque chose sur moi.

Je commence à comprendre que Lucas n'est pas ce qu'il prétend être. Il fait la pluie et le beau temps dans notre bahut d'une manière non conventionnelle. Je le trouvais lumineux, charismatique, aujourd'hui je l'ai vu sous un autre jour, une facette que je n'aurai jamais soupçonnée. Il est évident qu'il cherche à démasquer mon secret ou est-il déjà au courant de ma difformité. Il est temps pour moi de me méfier et de ne pas me laisser abuser par son charme.

Le pire est que ça ne m'a pas dérangé qu'il observe ma déchéance. Je devrai me sentir honteux, ce fut tout le contraire. Me refusant de crier, de pleurer et de supplier j'ai comme à mon habitude encaissé. Je ne peux pas dire que mes camarades soient à la hauteur de la méchanceté de mon père. Ce qu'ils m'ont fait n'était rien à côté de ce que je subis quotidiennement à la maison. Alors ils peuvent toujours continuer à me pousser dans mes retranchements il m'en faudra bien plus que ces petites blagues de gosses.

La seule question que je me pose est « Ma vie doit-elle toujours être aussi pathétique ? ». Quoi que je fasse, oú que j'aille personne ne m'accepte. Mon père a raison, je n'attire que la malchance.

Pendant que mes camarades s'amusaient à me mettre la tête dans la cuvette des toilettes, je me contorsionnais dans tous les sens pour éviter qu'ils découvrent mes ailes. J'ai beau me bander le corps, m'habiller avec des vêtements amples, mes ailes peuvent se sentir au toucher. Il est hors de question que ça m'arrive là maintenant. Mes bourreaux sont tellement concentrés sur ce qu'ils me font subir qu'ils ne prêtent pas attention à ce qu'ils pourraient sentir sous leurs doigts. Heureusement pour moi. Pourvu que ça reste ainsi.

La sonnerie retentit enfin, ce qui détermine la fin de la récréation. Je suis sauvé pour le moment, lâchement abandonné dans les toilettes. Le temps de reprendre mon souffle, mes vêtements sont trempés, je pue. Je m'effondre les fesses au sol, le dos adossé à la porte des toilettes, je n'ai qu'une envie : allumer une cigarette, hélas je n'ai rien sur moi. Je m'arrache la peau autour de mes ongles de main pour tenter de ne pas me perdre vers des idées morbides. Je n'arrive plus à pleurer depuis bien longtemps. Je découvre que l'école est devenue mon second enfer au lieu d'être mon refuge et ça me met un coup au moral.

Des pas lourds se rapprochent. Un mauvais pressentiment me secoue.

- Que faites-vous ici ?

La voix lourde et perverse du directeur. Il me voit comme une proie. Je ferme une fraction de seconde les yeux, j'expire fortement, je serre les poings, recroqueville mes jambes près de mon buste en mode protection. C'est tout ce dont je suis capable. Je ne relève pas la tête de peur de croiser le regard de ce prédateur. Ne rien faire pour l'exciter davantage. La nausée remonte le long de mon œsophage. Cet enfoiré pue la transpiration, cette odeur me lève le cœur, je ne peux me retenir davantage, je vomis sur moi.
Ecœuré le directeur recule, je me sens moins en danger. J'ai l'impression que je peux respirer malgré l'odeur que je dégage.

- Allez directement à l'infirmerie, par pitié nettoyez moi ça, c'est immonde. Vous auriez pu vous retenir.

Pas le temps de lui répondre qu'il a déjà quitté les lieux, le soulagement,

Je me lève tant bien que mal, j'observe dans le miroir les dégâts. J'ai envie d'éclater de rire. Je comprends mieux pourquoi le directeur m'a vite abandonné. Le seul problème est que je ne peux pas me changer ici. La porte s'ouvre en grinçant légèrement je suis sur la défensive.

- Émo, c'est Gladyce de l'infirmerie. Il m'a été rapporté que vous étiez malade. Je vous ai trouvé du linge propre. Permettez moi, de vous le donner.

- Bien... Bien.... Sur.... Dé....Désolé.

Gladyce s'approche doucement de moi, comme si j'étais un animal blessé et sans défense.

- Je vois, change toi, rapidement. Rejoins moi à l'infirmerie. Agnès la femme de ménage attend de l'autre côté pour tout nettoyer. Ne t'en fais pas. Ne reste pas comme ça. D'accord ?

- Mer.... ci.

Gladyce me sourit avant de quitter les toilettes. J'avise rapidement la tenue de rechange et je suis soulagé de constater qu'elle m'a trouvé un immense sweat-shirt et bas de jogging. Mon bandage a été sali également donc impossible de retenir mes ailes. J'espère sincèrement pouvoir rentrer rapidement chez moi avant que tout le monde découvre mon secret.

Je me change en jetant à la poubelle mes bandages. En rejoignant l'infirmerie, je remarque une ombre. Je me fige en essayant de voir qui peut m'observer. Personne. J'ai dû rêver.

Gladyce m'accueille avec un air de pitié. J'ai envie de lever les yeux au ciel mais je me retiens, elle me tend une feuille.

- Voici un mot pour que tu puisses rentrer chez toi dès maintenant. Ton père n'a pas répondu à mes appels, de ce fait un élève te raccompagnera chez toi.

C'est avec soulagement que je récupère le morceau de papier.

- Merci.

- Avec plaisir Émo. Repose toi bien. Tu en as grand besoin tu as le teint très pâle. J'irai chez le médecin si j'étais toi.

- Oui madame. Merci.

La porte s'ouvre sur Lucas. Mon souffle se coupe. Décidément aujourd'hui j'ai la poisse.

- Lucas te raccompagnera chez toi.

Je ne lui offre aucune réponse, je hoche simplement la tête stipulant mon accord. C'est dépité que je passe devant Lucas. Sans un mot il m'emboîte le pas jusqu'au quartier des bannis. J'ai prié tout le trajet pour qu'il ne remarque pas mes ailes.

Aux abords de mon quartier. Je me retourne vers Lucas.

- Je peux continuer seul. Ce quartier n'est pas pour les personnes de ton rang, à 0moins que tu aies prévu un comité d'accueil devant chez moi. Vu la journée d'aujourd'hui tu en serais bien capable.

Bien entendu il ne me répond pas, il me  fixe d'un regard que j'ai dû mal à déchiffrer. Je n'ai pas le temps de chercher à le comprendre. Il me faut rentrer chez moi avant l'arrivée de mon père. S'il découvre que j'ai retiré mes bandages je suis foutu. Il est hors de question que ce soir je me fasse encore frapper.

Demain c'est mon anniversaire, ce qui annonce une soirée à me faire frapper dessus. J'appréhende déjà.

L'ange perduWhere stories live. Discover now