Respire

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Allons, qu'est ce que tu me fais là ? Pourquoi tu stresses, encore ? Ne me fais pas croire que c'est important. Respire.

Vois-tu, nos amis, notre famille, la société, occidentale et axée sur le travail tout du moins, ont cette extraordinaire capacité à nous faire penser que tout ce que tu obtiendras dans ta vie sera en fonction du mérite. Crois-tu que c'est vrai ? La vie ne t'offrira rien sans que tu aies donné quelque chose en échange ? Tu n'as pas rencontré les personnes que tu aimes et qui t'aiment après avoir décroché tel ou tel médaille dans la grille des succès prétendument universelle. Tes plaisirs ne disparaîtront pas parce que tu auras eu un coup de mou. Respire.

D'ailleurs tu as parfaitement le droit d'avoir des coups de mou. Il n'y a pas nécessairement de raison profonde, ou de raison tout court, à une baisse de motivation. Tu n'es pas obligé d'être tout le temps au top en tout. Personne n'en n'a rien à fiche, que tu ne maîtrises pas la compétence n°4 de la fiche d'évaluation de sciences. Les gens retiennent que tu as été là pour eux quand ça n'allait pas, que tu aimes la peinture, que ton film préféré c'est "Titanic".  Les gens qui t'apprécient le font pour tes qualités, pas pour tes succès. Respire.

Laisse toi aller à la tristesse de temps en temps. Quand elle s'en va, c'est comme le premier de soleil qui perce après un orage : on réalise que ce n'est pas une si mauvaise passe que ça. Rejette cette foutue injonction au bonheur. Ne regarde pas le côté positif de chaque situation. Même si tu le verrais, il ne t'accorderait pas la moindre attention. Tes émotions t'engueuleraient "On est là ! Écoute nous ! On existe ! Toi aussi !". Laisse toi engloutir par Tristesse, Nostalgie, Solitude et les autres à l'occasion. Ça ira mieux à un moment. Il te faudra sûrement du temps et peut-être de l'aide. Mais si tu les ignores, elles le prendront mal. En plus, elles sont rancunières. Plus tu les repousses, plus elles t'en voudront. Ne t'oblige pas à aller bien. Ça ne sert à rien. C'est dangereux. Respire.

Il faut le dire, rien ne nous encourage à la détente et l'inactivité. Si ton activité préférée c'est de prendre un bain sans réfléchir à rien de spécial, ou à la limite comment faire des bulles à partir du gel douche, on te poussera à capitaliser, à stresser, à culpabiliser. "Tu imagines tout ce que tu auras pu faire pendant ce temps ?!", qu'ils disent. Ces crétins. Comme si le temps n'était pas précieux rien qu'en existant. Comme s'il y avait des moyens plus légitimes que d'autres à profiter de lui. Le temps se fiche que tu l'utilises à bon escient ou pas. Il s'en contre-fout. Et tu devrais faire pareil. Fais ce que tu as à faire en prenant le temps qu'il te faut et prend celui qu'il te faut aussi pour ne rien faire. Enfin, plutôt, faire rien. Respire.

Parce que tu vois, les idiots dont je te parlais n'accordent de la valeur qu'à ce qui est productif, ou monnayable, ou les deux. Savoure tes dessins, tes poèmes, tes écrits. Ne te soucie pas de la valeur qu'ils ont aux yeux des autres. Soucie toi de la valeur qu'ils ont pour toi et uniquement pour toi. Et même si tu ne produis rien, que tu joues aux jeux vidéos, que tu écoutes de la musique, que tu lis des livres sans rien faire d'autre, tu es parfaitement légitime aussi. L'univers ne va pas s'arrêter de tourner pour si peu. Enfin, je ne dirais pas qu'il tourne. A mon avis il est contenu dans un grand stade, et il court d'un bout à l'autre, en diagonale, à gauche ou a droite comme ça lui chante. Et tant pis pour nous autres secoués à l'intérieur. Respire.

Tu ne peux pas tout contrôler. Tu peux uniquement en donner l'illusion. La vérité est que, si tu contrôlais tout, tu t'emmerderais à un point inimaginable.

Respire.

Mon bordel de serial lecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant