La cavalière des sables

Treize

Lui

De ma vie, je n'ai jamais ressenti pareil humiliation. Ma confession était pourtant sincère et spontanée, me surprenant moi même.

Moi, le roi, homme de poigne.

La cavalière a rejeté ma proposition en se parant d'une telle arrogance que j'ai bien peur qu'elle ne revienne plus. L'erreur est certainement mienne. Mais que pouvais-je faire? Son regard brillant qui m'implorait d'user d'honnêteté. Lui mentir m'aurait réduit à être un lâche. Juhayd Al Qasimi n'en est pas un.

Alors j'ai laissé mon âme parlait pour moi, me ridiculisant peut être au yeux de cette femme, que je ne connais que depuis vingt jours, tout au plus.

L'épouser ne m'a pas semblé « insensé » sur le moment. Bien au contraire, en l'observant sur les hauteurs de son incroyable pure sang, je l'ai imaginé en tant que reine. En tant que souveraine de l'Anjalar. Je l'ai imaginé blotti contre moi, plutôt que contre son cheval. Je l'imaginais agrippée à mon cou, plutôt qu'à son arc.

Voici ce qui m'a poussé à cette folle idée de lui proposer un mariage comme le demanderait n'importe quel homme souhaitant honorer une femme vertueuse.

Pourtant j'ai connu le mariage à deux reprises. Et depuis mon second divorce, je scande avec fierté et détermination que plus jamais une femme ne sera ma reine.
Nul doute, j'ai bel et bien flanché, comme un jeune homme découvrant la beauté d'une femme pour la première fois.

Et cela involontairement.

Ainsi je viens d'offrir une place de choix à cet demi-inconnue naïvement, et elle m'a rejeté comme pourrait l'être un vulgaire séducteur qui traine les rues.

Mon égo a été touché. Le roi a été touché.

Néanmoins, je ne parviens pas à m'enlever de l'esprit, qu'elle puisse demeurer loin de moi. Ou est-elle?

Balqis a quitté le palais depuis peu, mais je sens un vide abyssal dans ma poitrine. Bon sang ! Mais quel sort m'a t-elle jeté? Me faisant presque oublié mon pays et la guerre que je livre. Mes pensées lui sont constamment vouées.

Je dois reprendre mes esprits. Je dois... agir comme un souverain et ancrer dans mon esprit qu'elle n'est qu'une femme parmi tant d'autre.

Après tout, de sa bouche, elle m'a affirmé avec mépris que je n'étais qu'un fils d'Adam parmi tant d'autre. Alors je m'inciterai à penser comme tel, en enfermement mes sentiments dans ce coeur que je croyais inanimé à jamais.

Installé derrière mon bureau, je me perd dans mes cartes. Pensant à la stratégie folle et insensée de Balqis. Sa voix résonne dans ma tête, son plan également. Et j'y pense jusqu'à en devenir migraineux.

On frappe à la porte.

Hakim s'annonce. Je lui permet d'entrer.

— Juhayd ! Déjà en train de travailler? s'amuse t-il après m'avoir salué.