32 - Phoebe : Better a heartbreak than nothing

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La musique change et ralentit, et je reconnais le rythme d'un slow. Je m'arrête à me rassoir, pour laisser la piste de danse aux couples, mais Noah m'attrape le poignet et m'entraîne dans le mouvement. Notre proximité n'a rien de celle, brûlante et enflammée, que je partage avec Connor ; la sienne est reposante, et m'apaise. La pression de ses mains dans mes paumes calme le flot de questions dans ma tête.

Respire, Phoeb, me souffle-t-il.

Évidemment. Noah a toujours su déchiffrer mes grimaces, mieux que Cora. J'inspire profondément, et il le fait avec moi, pour me guider. Malgré sa mine soucieuse, je ne peux m'empêcher de lire dans ses yeux un certain amusement, comme s'il savait exactement pour qui et pourquoi je m'inquiète autant.

— Connor est doué, je ne m'inquièterai pas trop, me souffle-t-il.

— Cette situation me rend malade, craché-je, sans parvenir à réfréner mon dégout.

Noah secoue la tête, l'air contrarié. Sa main descend le long de mon dos, mais son contact ne me fait pas plus d'effet que celui d'une couverture, ou de l'étreinte d'Éléonore, ou de Cora — et je ne sais même pas pourquoi je le remarque.

Un silence retombe entre nous, et je m'applique à me concentrer sur le rythme lent et apaisant de la musique, faisant de mon mieux pour ne pas lui marcher sur les pieds. Ce n'est pas facile, car je ne peux m'empêcher de tendre l'oreille pour surprendre la discussion d'Aspen et Connor ; et en plus de ça, Noah ne me quitte pas des yeux. Ses prunelles grises semblent fouiller et lire en moi comme dans un livre ouvert. Finalement, après dix minutes de danse silencieuse, sa voix grave brise notre mutisme :

— Ne fais pas la même erreur que moi, Phœbe.

Je relève la tête vers lui, perdue. Il inspire profondément, comme si la suite de ses mots lui demandait un effort douloureux. Sa prise autour de mes mains se fait plus insistante, et je ne suis plus sûre d'être celle qui a besoin qu'on l'aide à maintenir son équilibre, tout à coup.

— J'ai perdu Emy avant d'avoir pu lui dire ce que je ressentais, avant qu'on n'ait pu devenir...

Il s'interrompt, et mon cœur se brise tandis que je saisis le sens de ses paroles. Un mélange d'émotion me retourne le ventre, et manque de me faire perdre l'équilibre, moi aussi : la surprise, le chagrin, l'incompréhension...

Emy et... Noah ?

En une seconde, les souvenirs défilent devant mes yeux, à la recherche de ces moments de complicité que j'aurais manqué, de ces indices ratés... Mais j'ai beau chercher, je ne me souviens que d'Emy. Jamais je n'aurais cru que cette attirance, que ce... sentiment ait pu être réciproque. Et puis, pendant, de longues années, Noah était en couple, lui aussi. Je n'ai jamais eu à suspecter quoique ce soit... Mais cela n'excuse rien. Noah et moi sommes proches, et je réalise soudain que je n'ai pas uniquement laissé tomber Connor, cette année-là. J'aurais dû remarquer, et comprendre... Ma gorge se serre, et mes yeux me brûlent.

— Non, ne me fais pas ces yeux-là, Phoeb, me souffle-t-il doucement. Tu ne pouvais pas savoir. Et ne t'inquiète pas... je suis en train d'aller mieux. C'est un peu plus facile chaque jour.

Il m'adresse un sourire, mais la tristesse que j'y lis ne calme en rien la soudaine montée de larmes que je sens en moi.

— Quand ? lâché-je simplement, d'une voix brisée.

Il semble comprendre la question, car il répond :

— Il y a trois ans, l'été avant l'accident... je venais de me séparer de Laura. Je ne cherchais plus grand-chose, j'étais... éteint, et fatigué. Je comptais me concentrer sur mes études. Et, un soir au bar, avec Connor et Gabriel, les garçons m'ont fait une blague. Enfin, j'ai cru, sur le coup, que c'était une blague... bref : ils m'ont dit qu'Emy me dévorait des yeux, et que j'étais assez aveugle pour ne pas le voir.

Follow your fireWhere stories live. Discover now