3 - El : A way out

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Singapour, Singapour

6 Février - 14 h 21, heure locale.

Cela fait deux heures que l'on a atterri à Singapour. Et je n'arrive pas à dormir, bien qu'il soit huit heures du matin en France et que je n'ai pas fermé les yeux de toute la durée du vol. J'ai précisément huit heures d'escale pour me reposer, avant de réembarquer à 20 h 20, et il ne m'en reste maintenant que six. Le sourire sadique de Luka me hante, et je crois encore sentir ses mains sur moi.

J'ai honte. Tu es vraiment en train de fuir ? Après tout, des milliards de jeunes filles se sont déjà fait larguer par leur mec sans s'en aller à l'autre bout de la planète. Tu es faible. Je me retourne une énième fois dans ce lit immense, enveloppée de ces draps froids qui sentent la lessive. J'ai froid, mais je transpire. Mon dos tremble quand je respire, manifestation de mes larmes qui ne vont pas tarder à s'écouler sur mes joues pâles. Mes ongles s'enfoncent dans le matelas, mes genoux sont ramenés contre mon ventre, contracté pour m'empêcher de pleurer.

Je patiente bien encore une heure ainsi, qui me parait être une éternité. Mais, n'y tenant plus, je finis par me lever. Je me déshabille, et me glisse dans l'immense cabine de douche en marbre - l'hôtel que m'a choisi Emy est luxueux, c'est le moins que l'on puisse dire. Assise sur le sol froid, je savoure l'eau chaude qui s'écoule le long de mon dos, épouse la forme de mes seins, glisse sur ma peau et fait se détendre mes muscles.

Et je pleure. D'un coup, sans prévenir, la barrière lâche. Les larmes coulent, sans s'arrêter, comme si le fait de les avoir retenues aussi longtemps n'avait fait que les démultiplier. Mon cœur s'emballe, et chacun de ses battements parait me transpercer la poitrine. Mes muscles tremblent, pris de secousses violentes que je n'arrive pas à réfréner. Mon bas-ventre est affreusement douloureux, et je manque de vomir mon repas. Je n'arrive plus à respirer, mes poumons ne parviennent pas à suivre. Mon dos tressaute, je cherche désespérément de l'air. Ma gorge se serre, si fort que j'ai l'impression que l'on m'étrangle. Je m'étouffe, je veux crier, hurler de l'aide, mais j'en suis incapable. J'ai froid et chaud à la fois, des bouffées de chaleur m'arrivent par vagues toujours plus puissantes. Ma vue se trouble, mes oreilles bourdonnent, et je cherche à l'aveuglette comment éteindre l'eau. Je n'y arrive pas. Les spots de la salle de bain m'agressent la rétine et, à l'inverse, chaque ombre donne l'impression de m'engloutir. La panique m'encercle comme un prédateur et pour la première fois de ma vie, je crains mourir, réellement.

J'enroule mes bras contre ma taille et ramène mes genoux contre moi. Je serre les poings, de toutes mes forces, m'obligeant à retrouver un certain contrôle de mon corps.

Je ne sais combien de temps je suis restée ainsi. Peut-être deux heures, ou plus. J'ai à peine pu me recoucher, malgré la fatigue saisissante qui m'avait prise tout à coup. Il était déjà l'heure de retourner dans l'avion, et je n'étais même pas sûre de pouvoir marcher jusqu'au taxi, qui m'attendait en bas de l'immeuble.

Je me rhabille, comme un automate. Mon cerveau mouline, mes yeux s'accrochent au vide. Mes mains tremblent encore. Ce n'est pas ma première crise d'angoisse. Non, la première - et la plus violente - remonte à l'annonce du décès de ma mère, à mes six ans.

Je lis 19 h 3, sur mon portable. Mes cheveux sont encore mouillés. J'attache mon épaisse tignasse blonde dans un chignon défait - très mal fait - et entame d'effacer les traînées de mascara noir sous mes yeux. Il ne manquerait plus qu'on me voit comme ça. Merde ! Je balaie d'un geste rageur tout ce qui se trouve sur le lavabo ; ma trousse, le sèche-cheveux, ma brosse et le savon s'écrasent avec fracas contre le sol froid. La colère explose dans mon ventre, mes ongles s'enfoncent dans mes paumes. Je déteste te voir comme ça. Les larmes menacent de ressurgir, mais je me force à respirer calmement. Une, deux. Une, deux. Inspire, expire. Je me baisse, manquant de basculer, et entame de ramasser les victimes de mon excès de colère.

Follow your fireWhere stories live. Discover now