Chapitre 1

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Elena

-Monsieur Dumont, reconnaissez-vous les faits ?

L'homme à la barre me toise de son regard acéré avant de me répondre par un « non » assuré.

Évidemment...

Cela va faire une heure que l'audience est ouverte et malgré tous les éléments qui l'accablent, l'accusé conteste. Il sait les risques qu'il encourt et préfère nier plutôt que d'avouer publiquement les raisons pour lesquelles il est en comparution. Défense peu intelligente et désespérée que beaucoup d'auteurs de violences conjugales adoptent pour plaider leur innocence.

-Donc vous niez avoir roué votre épouse de coups après qu'elle vous a annoncé vouloir vous quitter il y a un mois de cela ? insisté-je.

-Je ne l'ai pas touchée, affirme-t-il sans ciller.

Ma cliente assise au premier rang des bancs de l'audience se raidit. Malgré tous les témoignages et les photos de ses blessures fournis à la police lors de son dépôt de plainte et passés en revue durant l'audience, la culpabilité de son mari reste à prouver et aujourd'hui se joue le scénario inévitable de « sa parole contre la sienne ». Il me faut un aveu, un seul qui puisse dédouaner ma cliente de toute affabulation et garantir que l'homme à la barre est bien l'auteur des violences qu'elle a subies ces trois dernières années.

-Pourtant, le dernier dossier médical de Madame Dumont est plutôt éloquent, poursuis-je, cinq points de suture à l'arcade sourcilière, une côte cassée, plusieurs hématomes aux bras... Alors, selon vous, comment s'est-elle infligée toutes ces blessures ?

-J'en sais rien, j'étais pas là, feint le prévenu en détournant son regard du mien.

J'ose une œillade en direction de la juge Hanson qui préside l'audience aujourd'hui mais bien que son visage reste impassible, je perçois à son regard plissé qu'elle ne croit pas une seconde à ces mensonges.

-Lors de votre interrogatoire, les enquêteurs rapportent que vous étiez encore au travail quand les faits se sont produits. Seulement, aucun de vos collègues n'était présent pour le confirmer. Votre alibi semble plutôt irrecevable, alors permettez-moi de penser que vous étiez bien chez vous avec votre compagne à ce moment-là.

Dumont ne réplique pas et se contente de me regarder d'un œil sombre. Je continue alors ma plaidoirie.

-Votre épouse affirme que vous vous êtes emporté et que vous l'avez accusée de vous avoir trompé. Comme elle niait, vous l'avez agrippée à la gorge et l'avez assénée d'un coup de poing et...

-C'est faux, me coupe agressivement l'accusé, je l'ai peut-être giflée mais je l'ai pas cognée.

-Juste giflée ? répété-je sur un ton véhément.

-Oui, je ne l'ai pas cognée.

Je jette un œil à la juge qui le toise en arquant les sourcils. L'avocat du prévenu relève ses lunettes et se pince l'arête du nez, l'air désespéré, et je sus alors que j'avais remporté l'affaire.

-Très bien, Madame la Juge, je n'ai rien à ajouter.

Il n'aura pas fallu plus de quinze minutes pour que Hanson et ses magistrats délibèrent. Le verdict est sans appel : Dumont écopera de sept ans de prison avec deux ans de mise à l'épreuve et interdiction de s'approcher à moins de cinq cent mètres de sa femme. À l'annonce de sa condamnation, ma cliente tombe dans mes bras.

-Merci infiniment, Elena.

-Tout le mérite vous revient Sonia, vous avez tenu jusqu'au bout, vous pouvez être fière de vous.

Intrusion [Dark romance stalker]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant