Chapitre 13

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Je me réveille alors que le soleil est déjà haut dans le ciel. Les yeux encore embrumés, je secoue ma tête rapidement et me retourne vers Erika, qui dort toujours. Les plantes médicinales doivent toujours faire effet. Mon amie n'a plus de maison, plus de repères. Pour l'instant, l'infirmerie est son seul abri. Je me redresse et salue de loin la femme qui a pris soin d'Erika, avant de me faufiler à l'extérieur de la tente.

Les villageois s'agitent dans les rues et je fronce les sourcils, interpellée. Une petite foule s'est regroupée devant la grande maison du chef du village, Sven. J'ignore la raison de ce rassemblement mais décide de saisir ma chance. Je joue des coudes pour atteindre le centre du petit cercle avec difficultés. L'un des gardes m'arrête et pose sa main contre mon bras pour m'empêcher d'avancer plus. Je trépigne d'impatience. Il faut que j'utilise le prétexte de ce rassemblement pour le rallier à ma cause, peu importe s'il est faux.

« Il est interdit d'entrer dans la maison du chef, je regrette.

— Je suis désolée, j'ai une information très importante à lui transmettre.

— Sven est en réunion, il ne reçoit personne à cette heure. Repassez demain. »

Je secoue la tête comme si je comprenais son message et baisse le menton pour apaiser cet homme. Il relâche la pression sur mon bras et je me fonds dans la foule calme en attendant qu'il reprenne son poste. Puis je m'élance vers la porte à quelques mètres de moi. Je cours plus vite que le garde et m'empresse d'entrer dans la grande bâtisse. Mon entrée fracassante fait sursauter les convives autour de la table. J'observe chacun des visages des haut placés du village qui me dévisagent en silence. Le garde entre à son tour et se stoppe immédiatement devant son supérieur. Mal à l'aise, il balbutie quelques mots pour me présenter :

« Varunn, Monseigneur. »

J'effectue une révérence maladroite en direction de l'auditoire, ce qui entraîne les rires moqueurs des hommes assis près de Sven. Le chef lève la main pour signifier au garde de s'éloigner et pose son regard de glace sur moi. Je frémis.

« On dirait bien que mon fils a quelque peu raté ton éducation, jeune femme. »

Les regards se tournent vers Saevald, à gauche de son père. Je rougis de honte en prenant conscience de la réunion que j'interromps : il doit sûrement s'agir d'un compte rendu militaire. La foule de villageois devant la porte attend d'apercevoir le fils du chef qui est de retour, rien de plus.

« Veuillez m'excuser d'interrompre votre réunion, Monseigneur. J'ai à porter une nouvelle qui agite tous les villageois. »

Sven hausse les sourcils, intrigué. Même Saevald ne peut retenir sa surprise sur son visage.

« Comment se fait-il qu'une étrangère ait connaissance de dires qui me sont inconnus ? Parle.

— Cela concerne Erika. Je reviens juste de l'infirmerie et les nouvelles sont mauvaises. Suite à l'effet du poison des cerises du diable, elle a perdu la majeure partie de sa mobilité et ne peut plus effectuer ses tâches en tant qu'esclave.

— Viens-en aux faits.

— Je suis venue vous demander de la gracier. »

Mes paroles résonnent dans la pièce et provoquent l'exclamation des hauts gradés, que Sven fait taire d'un geste de la main. Il se penche en avant, curieux.

« Quels sont tes arguments ? »

Je m'éclaircis la gorge pour me donner du courage et réfléchis rapidement aux arguments dont je dispose. J'ai répété ce discours toute la nuit dans ma tête.

« Cela fait deux ans qu'Erika s'accoutume à sa condition d'esclave. Elle a accepté sa sentence avec bravoure. Vous la connaissez mieux que moi, vous ne pouvez ignorer son altruisme et l'amitié qu'elle suscite chez les villageois. Si je me tiens devant vous, c'est de mon plein gré et non sur ses conseils. Aujourd'hui, elle est incapable de retourner au combat, ce qui est une assez lourde peine pour ne pas lui faire endurer d'autres punitions. »

Varunn [Terminée]Where stories live. Discover now