Chapitre 5

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\\TW : deuil//

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- John... Je suis désolé pour ta mère...

Des larmes dévalent mes joues. Aiden ne cherche pas à me faire du mal, au contraire, mais entendre cette phrase pour la huitième fois de la journée me déchire. Comme si j'avais l'étiquette MÈRE MORTE collée au front...

Il y a des matins où, en me levant, je lance un joyeux Bonjour maman ! avant de me rendre compte qu'elle n'est plus là pour me répondre. Qu'elle ne le sera plus jamais.

- Aiden, s'il te plaît... Tu peux nous laisser seul cinq minutes ?

Je lève les yeux vers Eddy.

Elle est belle.

C'est la première chose qui me traverse l'esprit. Elle est belle, avec ses cheveux courts, ses grands yeux bruns et son air de garçon manqué. Elle est belle, à se tenir entre moi et Aiden, les bras croisés, comme pour me défendre de l'excès de gentillesse qui déborde de ses lèvres. Elle est belle, concentrée sur le rôle de protectrice qu'elle vient de s'attribuer.

- Ok... soupire Aiden. Mais si t'as besoin de parler... Oublie pas que je suis là, John.

Il me lance un léger sourire, avant de continuer :

- Après tout, ça sert à ça les amis, non ?

- Ouais, réponds-je. Ouais, ça sert à ça...

Je lui rends un sourire faiblard qui, à peine le blond sorti, se transforme en pleurs.

- C'est trop dur, Eddy... balbutié-je en me collant à cette dernière. C'est beaucoup trop dur... Je ne tiens plus, je n'arrive plus à tenir. C'est beaucoup trop dur... Je la vois partout, Eddy, partout... Il n'y a pas un instant où je ne pense pas à elle, pas un...

J'éclate en sanglots pour de bon. Deux larges rivières de larmes se forment le long de mes joues. Pourquoi est-ce que c'est si dur ?!

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Dix-huit heures. Désormais le délai maximum auquel j'ai le droit pour rentrer. Je crois que mon père a peur qu'il m'arrive quoi que ce soit.

Il a peur que je parte.

Mon téléphone est bloqué à partir de six heures, impossible donc de passer des appels, ce qui me force bien entendu à revenir à la maison, pour qu'il me le débloque.

C'est simple : j'ai l'impression de vivre dans une prison.

Si seulement il pouvait comprendre... Oui, si seulement il pouvait comprendre que tout dans cette foutue maison me la rappelle ! Je sens son parfum dans toutes les pièces où j'avais l'habitude de la voir. Je la vois même, des fois. La dernière fois que j'ai dit ça à Papa, il m'a regardé et m'a demandé, les yeux pleins de larmes :

- Tu ne te drogues tout de même pas, hein Johnny ?

L'ancien John que j'étais avant sa disparition aurait clairement répondu avec un sourire narquois aux lèvres que si, et qu'il le referait dès la fin de cette discussion. Mais tout ce que j'avais pu répondre se résumait à quelques sanglots quasiment incompréhensibles, des bribes de paroles franchissant sans conviction mes lèvres, comme si même mon corps, en plus de mon mental, n'avait pas survécu à son décès.

Je le sens, je le sens clairement : à l'intérieur, je suis totalement brisé.

Le son de ma musique se stoppe un instant dans mes écouteurs, pour laisser entendre le son reconnaissable de mes notifications.

Je mets en pause ma musique, m'excusant silencieusement vis-à-vis de Dexter Holland pour l'interrompre dans ses paroles si agréables pour son interlocuteur, pour lire la notification.

Groupe des demeurés, 1 nouveau message

Un sourire faiblard naît sur mon visage. Ce nom de groupe n'a jamais eu pour seul mérite que me faire sourire.

17:46

John, il faut que tu écoutes ça. Et que tu nous donnes ton avis dessus.

Un document audio est joint au message, ainsi que des paroles.

Une nouvelle musique.

Ma main tremble. C'est ce genre de choses qu'il me manquait. Retrouver le Problems' Club. Retrouver cette ambiance. Retrouver notre complicité. Retrouver cet humour merdique qui a fait notre amitié.

Tout ça m'a manqué atrocement. C'est peut-être ça aussi, qui a fait que je n'arrivais pas à me sortir de cette déprime atroce. Il me fallait une chose pour revenir en arrière, avant que cela ne se produise. Une chose qui me rappelait tous les bons moments que j'avais réussi à passer sans elle. Une chose comme notre Club.

Ce que je sais, c'est qu'en rentrant chez moi, je n'ai qu'une pensée : ce soir, mes mèches rousses vont disparaître, et John Prits, le chanteur du Problems' Club, va être de retour.

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Problems' ClubWhere stories live. Discover now