Chapitre 3

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— On avait dit quoi, Morgan, sérieux ?

— On avait dit Pas de décisions sans prévenir le reste du groupe.

Aiden soupire.

— Et t'as fait quoi ? demande-t-il d'un ton exaspéré.

— J'ai pris une décision sans prévenir le reste du groupe, répond Morgan, un grand sourire aux lèvres.

C'est moi qui l'ai surpris en premier, en train de distribuer des tracts à tout le lycée. J'en attrape un, qu'il s'apprêtait à donner à une fille. C'est un simple papier imprimé jaune, sur lequel est écrit, en caractères gras :

CONCERT : PROBLEMS' CLUB

15/9/23, 19:30, JARDIN PUBLIC.

REPRISES DE DIFFÉRENTES GRANDES MUSIQUES DU ROCK

CHANTEURS : JOHN PRITS & ADELE FRENK

PIANISTE : AIDEN RICHFIELD

BASSISTE : MORGAN SMITH

BATTEUSE : EDELINE GRANT

— Donne-moi une bonne raison de pas t'égorger sur le champ... glisse Adele entre ses dents.

Morgan fait mine de réfléchir.

— Étant donné que désormais, près de la moitié du lycée est au courant... Vous serez dedans jusqu'au cou, si je suis pas là.

Elle lâche un juron. Morgan sourit.

Il a toujours été comme ça. Casse-cou, et indomptable, du bout de ses orteils jusqu'aux pointes de ses cheveux teints en blanc. À huit ans, il s'était cassé la cheville en tombant d'un arbre. Cet incident nous avait tous marqués à l'époque, car nous étions tous présents lorsqu'il s'était produit. C'était d'ailleurs à cause de nous qu'il avait eu lieu. Les Smith nous en avaient longtemps voulu, et, durant près de six mois, nous n'avions pas revu Morgan, et n'avions pas eu de ses nouvelles. De ce qu'il nous avait appris, une fois rétabli, ses parents lui avaient interdit de venir nous voir, et de nous parler, car ils nous considéraient comme trop dangereux.

Cette époque est bien révolue, désormais, et les Smith nous ont même invités à passer l'après-midi chez eux, aujourd'hui.

Tout fait alors déclic dans ma tête.

— Ton idée, là... marmonné-je. Tu la prévois depuis longtemps, hein ?

Le sourire bagué de Morgan réapparait sur son visage.

— Un mois et demi.

— Et t'as déjà des idées de musiques, j'espère ? grogne John.

— Pas une seule ! répond fièrement Morgan.

Adele pousse un long soupir exaspéré.

— Morgan, Morgan, Morgan... fait-elle. Tu es en train de développer de en plus en plus mes pulsions meurtrières...

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— C'est pas donc possible d'être si maigre, Jojo ! Va falloir manger  plus ! J'ai fait des cookies, heureusement.

Helen Smith serre John dans ses bras épais. J'ai toujours beaucoup aimé cette femme. Helen a la peau sombre, de grands yeux noirs et des cheveux aussi foncés que ses yeux, bouclés et épais, qu'elle entoure souvent de foulards colorés. 

Nous avons été les premiers à arriver, avant même Morgan.

Madame Smith s'approche de moi, après avoir relâché John de son étreinte. Il me lance un regard excédé, et passe une main devant son cou.

— Hé ! Tu me vois sous cette frange ? rit-elle.

Je souris.

— Oui, m'dam Smith. Parfaitement bien.

Elle nous fait nous installer dans le salon, et part dans la cuisine sortir ses biscuits du four. Nous nous asseyons sur le canapé. Un sourire passe sur le visage pâle de John en sentant la douce odeur de la vanille et du chocolat. Les cookies de Helen Smith sont réputés comme étant les meilleurs de tout l'état.

Je pose ma main sur la sienne. Nous n'avons pas réitéré notre expérience un mois plus tôt, mais je suis plutôt fière de savoir qu'en plus d'avoir enfin réussi  avouer mes sentiments à John, j'ai permis à notre groupe de garder son chanteur.

— Ah... Ça faisait longtemps que je vous avais pas vu, tous les deux !

Helen pose une grande assiette de cookies encore fumants sur la table. Les yeux de John s'écarquillent de plaisir en voyant la taille des biscuits. Elle nous sert deux grandes tasses de chocolat chaud. En vrai mort de faim, John se jette dessus, malgré la fumée qui s'évapore du liquide brun et bouillant. La mère de Morgan s'assied sur le canapé près de nous, prenant à elle seule la même place que Johnny et moi.

— Vous devez avoir des choses à me raconter en cinq...

 — Eddy et moi, nous sommes en couple.

Je manque de m'étouffer avec mon chocolat en entendant la franchise des propos de John.

— Ah oui ? Quelle  bonne nouvelle !

Elle se penche vers moi. Je peux sentir son souffle tiède sur ma nuque, et son foulard de soie frôler ma joue. Helen me glisse :

— Je m'en doutais, Edeline... Je m'en doutais. Les signes ne trompent pas, darling.

Je m'étouffe pour de bon avec le liquide brûlant, dont une partie éclabousse mon sweat blanc.

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Problems' ClubWhere stories live. Discover now