Une femme qui m'aurait peut être intéressé, dix ans auparavant, quand je n'étais pas encore mort de l'intérieur.

Je relâche son poignet progressivement. Puis totalement. Elle récupère son bras pour le masser. Je lui ai fait mal? Je maitrise pas ces trucs là.

Elle va certainement fuir dans sa chambre et s'enfermer à l'intérieur. Je préfère prendre les devants. Je me recule et je finis par lui montrer mon dos en me dirigeant vers ma chambre.

Je jette un dernier coup d'oeil vers elle, je remarque qu'elle s'est recroquevillée sur le sol. Les secousses qui font vibrer son corps, me confirment qu'elle pleure dans un silence glaçant.

Ezequiel a encore fait pleurer une femme. Une de plus. Est-ce que ça a réellement, une importance?

Lino se frotte à elle pour la réconforter. Il fait cette chose que je ne sais plus faire. Cette chose que j'ai oublié délibérément pour sceller mon coeur et ses émotions.

Je m'enfonce dans ma chambre et je referme derrière moi.

De moi, il n'y a rien à attendre, Mia.

Isaac est apparu dans mon rêve. Ça faisait longtemps que ça m'était pas arrivé. Ses yeux clairs, les mêmes que maman, son sourire, son rire. Toutes ces choses  me manquent douloureusement. Je ne parviendrai jamais à accepter qu'il soit parti, à pardonner qu'on me l'ait pris. On l'a tué pour des raisons qui m'échappent toujours. Je me rappelle de ce matin de juin, il faisait beau, il faisait chaud à Buenos Aires, j'avais 18 ans et je ne m'imaginais pas que ça serait la dernière fois que je voyais mon frère vivant.
Isaac avait fait son sac. Il avait empaqueté toutes ses affaires. J'étais le seul dans la confidence. Nos parents ne devaient rien savoir. Mon grand frère avait une obsession depuis quelques années. Un truc qui était venu enrayé la vie parfaite qu'on menait tout les quatre. Lui, papa, maman et moi.

C'est un truc tout con en réalité. Isaac a commencé a se poser des questions vers l'âge de huit ans je dirais. J'en suis pas certain, j'étais petit à l'époque. Et nous avons deux ans d'écart lui et moi.

Il avait entendu de la bouche d'une des soeurs de mon père qu'il n'était pas le vrai fils de papa. Cette sorcière, elle pouvait pas garder ça pour elle.
Le père d'Isaac, c'est Hector Moreira, celui qui nous a élevé, lui et moi, celui qui nous a nourri et apporté de l'affection dont on avait besoin. Point barre. Isaac n'avait pas besoin de savoir qu'il n'était pas son géniteur. Papa lui a jamais fait ressentir qu'il n'était pas son fils. Jamais. Pas une seule seconde. Il n' a jamais fait de différence entre lui et moi.

Papa l'aimait. Il l'aime toujours et sa perte a laissé un trou béant dans nos coeurs.

Je me répéterais jamais assez. Isaac n'est pas mon demi frère. Il n'y a pas de demi mesure dans l'amour et la fraternité que je lui voue. Il est mon frère sans réserve, et je n'ai jamais compris pourquoi il ressentait le besoin d'aller retrouver ce fils de pute qui n'a jamais été informé de son existence.

Maman a emporté ce secret avec elle. Et la pudeur m'interdit de poser la question à mon père. Il souffre déjà suffisamment d'avoir perdu sa femme, son fils... et  moi aussi par la même occasion.

Quand Salvador a appelé ma mère, un soir, pour lui annoncer que la police américaine avait retrouvé le corps d'Isaac abandonné dans une forêt de la Géorgie, ma mère a lâché un crie de douleur si destructeur qu'aujourd'hui encore il raisonne dans mon crâne. Sa voix pleine de souffrance et d'incompréhension.

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