Ten

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Elle

La nuit dans ce bar a été moins pire que je m'y attendais. Et la banquette qui me servait de lit, plus confortable qu'elle en avait l'air.

Bon j'aurai surement un torticolis si j'y passe plus de deux nuits, mais le plus important c'est que j'ai dormi avec un sentiment de sécurité.

Après une brève toilette dans les commodités de l'endroit, je me prépare un café et me contente de le boire assise sur le bar.

Très spécial l'ambiance.

L'endroit est beaucoup moins effrayant en journée et vidé de toutes ces brutes au sang chaud. Hier soir, j'ai bien cru qu'ils ne partiraient jamais.
J'inspecte l'heure sur mon téléphone, enfin celui que m'a filé Julio. Il est déjà dix heures du matin.

D'ailleurs je lui envoie un message à Julio, pour savoir s'il compte passer au bar. Il me répond immédiatement qu'il ne pourra pas. Du moins pas avant ce soir.

Du coup, je serai solo.

Une télévision est installée contre l'un des murs, juste à coté d'un jeu de fléchettes. Généralement, ce sont des combats de boxe qui y sont diffusés, autant avouer que je ne suis pas friande de ce genre de programme.

J'appuie sur la télécommande, et l'écran plat s'allume immédiatement. Je zappe de chaine en chaine pendant un temps suffisamment long pour que mon pouce commence à chauffer.

Aucun programme ne me plait. Après tout il est dix heures. Du télé achat, des dessins animés, des sitcoms pouraves.

Et puis, je vois son visage.

Mon estomac se noue et mon corps se fige. Il est debout devant un pupitre, l'air grave. Des centaines de personnes se trouvent devant la scène sur laquelle il se tient fièrement.

Devant tout ses adeptes, ses groupies...

Ça se passe à Atlanta, dans l'état de Georgie. Chez moi. Là ou j'ai grandis dans une cage dorée, coupée du monde et de sa réalité frappante et écrasante.

La ciudad de las ombras en est la preuve. Je connais rien au monde. Je suis si innocente et en même temps coupable de mon ignorance.

Mes yeux ne quittent plus l'homme que je n'ai pas revu depuis bientôt deux semaines. Son visage est cerné. Il a l'air amaigri.

Est-ce que je lui manque?

En vrai, je m'en tape.

Lui. Je ne parviens plus à l'admirer comme avant. Ça n'est pas que je ne l'aime plus, mais la figure d'autorité qu'il exerçait sur moi a disparu à la seconde ou j'ai su qu'il n'était pas l'homme irréprochable qu'il me jurait être. Et que par dessus tout, ses mains étaient pleines de sang.

Un sang que qui aurait aussi coulé sur les miennes si j'étais resté la bas, auprès de ce père qui me protégeait de tout, sauf de lui.

Je lâche l'écran un instant quand la silhouette voluptueuse d'une belle blonde s'attarde devant le bar. Statique, elle a l'air de chercher quelque chose dans son sac à main.

Planquée au fond du bar, elle ne peut pas me voir. La jeune blonde semble s'allumer une cigarette.
Je laisse quelques secondes s'écouler avant d'avoir cette impression de déjà vu. Cette femme me dit  vaguement quelque chose.

One to oneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant