Chapitre 64

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22 Décembre

— Chris ?? Chris, c'est moi, Ely. S'il te plaît, Chris... tu dois reprendre le dessus. Tu dois te ressaisir. On est là pour toi, mais on ne peut pas agir à ta place.

Des pas légers. Une porte qui grince. Le silence. 

Puis un nouveau claquement. D'autres bruits de semelles, plus lourds cette fois. 

— Hey, Chris... Ely m'a envoyé... tu sais, il est complètement retourné. On avait une super nouvelle pour toi, mais on a besoin que tu nous reviennes avant. Je sais, je ne devrais pas te parler de ça. Ely ne veut même pas que je t'en parle, mais le stress... n'est vraiment pas bon pour lui. Je te connais. Je sais que si tu n'arrives pas à agir pour toi, tu y arriveras pour ceux que tu aimes. Pour Ely... pour ta Team, parce qu'ils s'inquiètent à mort... et pour Cam. 

Chris remua dans son lit. Accepta de se lever pour dévisager Aga d'un œil morne. Cam. Cam. Cam n'était pas revenu.

Il l'avait attendu, il avait espéré, mais Cam n'était pas revenu.

Chris avait envie de parler. De demander. 

Aucun son ne franchit ses lèvres. Le brouillard ne s'était pas dissipé, il s'était réfugié dans sa gorge. 

Dépité, découragé, Chris se recoucha et rabattit la couette sur sa tête. 

— Je suis sûr que si on avait réussi à le contacter, il serait venu, tenta de le rassurer Aga. Mais... il ne répond pas au téléphone et sa mère refuse de parler de lui autant qu'elle refuse d'entendre parler de toi. 

Encore la porte. Encore des pas. Un fumet de café à la noisette. De nouilles instantanées aussi.

— Aguy ? Qu'est-ce que tu fais là mon cœur ? s'étonna le frère de Chris.

— Je voulais tenter un truc, mais ça n'a pas marché. Je suis inquiet pour lui.

— Moi aussi... mais il nous reste encore une carte à jouer, avoua Ely en déposant un plateau-repas à côté de Chris. Hey, frérot... je t'ai rapporté tes nouilles préférées. Tu sais, les Coréennes. Oh, et tu sais pas ce que j'ai trouvé à Strasbourg ? L'édition limitée de Maxident ! Celle que tu voulais absolument ! Je crois même qu'il y a tes bias en photocard ! J'ai posé l'album sur ton bureau. On va te laisser maintenant, n'attends pas que ça refroidisse pour manger !

Les yeux clos, Chris épia les crissements de son parquet. Il évalua l'éloignement des claquements. Surveilla que les deux intrus quittaient la pièce en même temps avant d'émerger de sa couette. 

L'odeur d'épices et de kimchi lui chatouillait les narines. Il avait faim. Plus qu'il ne le pensait. Alors il dévora son repas avant de se pencher pour déposer le plateau par terre.

Il se sentait toujours aussi épuisé. Éreinté, même. Et perclus de courbatures.

Pour la première fois depuis qu'il avait jeté Côle hors de sa chambre, Chris se leva de lui-même pour esquisser quelques pas.

Un vertige le saisit. Sa vue redevint brumeuse.

Alors, il se contenta d'attraper son téléphone et sa tablette et son casque audio avant de retourner se rouler en boule dans son lit.

Il demeura immobile un long moment à écouter le silence, jusqu'à le trouver angoissant. 

De ses doigts rendus gourds par l'inactivité, il alluma son téléphone. Il l'éteignit aussitôt, submergé par des notifications qui polluèrent son cerveau et annihilèrent ses maigres capacités à penser.

De nouveau l'attente. Le silence que même les chats ne troublaient pas.

Les Chats. Ils étaient tous venus accompagner Chris dans cette période troublée. Chardon dormait sur le coussin de Chris. Renoncule sur le bas de la couette... et Chiendent sur le clavier pourtant froid de l'ordinateur.

Un ordinateur que Chris n'avait pas allumé depuis cinq jours. Ce n'était encore jamais arrivé. 

Démarrer sa tablette demande au jeune homme un effort presque surhumain. Lancer l'application de musique également. Le découragement le noya.

Trop de nouvelles musiques.

Trop de pub.

Et un atroce changement de design.

Couleurs différentes.

Boutons différents et changés de place.

Chris en pleura de rage. Lui qui détestait déjà le changement d'ordinaire n'était pas sûr de pouvoir gérer ça à cet instant. C'était trop. Trop. trop.

Il pensait à balancer sa tablette à travers la pièce malgré son prix quand son œil accrocha un mot.

Playlists.

Ses playlists.

Là.

Bien rangées par noms. Par style. Par auteurs.

Un soulagement timide qui éclata pour l'entourer d'un cocon réconfortant quand les premières notes de son groupe de KPOP préféré avalèrent le silence.

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlWhere stories live. Discover now